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Ex abrupto
[i]
Jacques Derrida

Écrit à l’occasion de la représentation, par le théâtre national de Strasbourg, de l’Antigone de Sophocle, retraduite de Hölderlin par Philippe Lacoue-Labarthe. Première publication dans
Avant-Guerre, 2, 1981.

 Philippe Lacoue-Labarte
Philippe Lacou-Labarthe

 

«... Der Ort sagt... » «C’est le lieu qui me dicte.» En moi j’ai toujours déplacé, déformé aussi cependant le mot de Créon. (...) Et maintenant le souvenir de l’abrupt. Ici je ne veux en parler, et ne le puis, que selon la mémoire, un fragment clivé de mémoire,. depuis ce qui, à la fin de juin 1978, à l’instant même, sous le présent d’alors, était venu se rassembler dans ce qui fut déjà le souvenir du mot abrupt: la chute, la rupture pour une descente qui ne laisse plus le temps, l’abîme par interruption dans l’angle d’un lieu, l’aspiration vers le sans-fond au moment du face-à-face avec l’impossible. Car dans l’abrupt, dans le mot abrupt, j’en sais à peine la raison, je vois aussi un face-à-face, sans médiation, sans transition, sans tiers, autant dire sans communication ni passage. Et seule une cadence, le rythme d’une chute, la tragédie sans tragédie (...) D’abord, venu à Strasbourg pour voir et entendre Antigone, je me rappelle avoir lu la traduction, de la traduction, en avion, à voix haute et cependant intérieure, tantôt l’allemande, tantôt la française, et de l’une à l’autre, avec le désir enfin de l’accident, que ça tombe, que ça tombe comme ça tombe, bien, et que d’un coup prît place et fin entre les deux flancs, les deux versants, ex abrupto (...) Et j’ai encore prononcé le mot cliff, la falaise, la muraille, la même déclivité brutale, et aussi ce fut bien entendu la césure (...) Cela résonne encore dans la cadence et la tombe du même souvenir «... Ihn deket mit dem Grab’ und heiliget... Dass keiner ihn begrabe, keiner traure, / Dass unbegraben er gelassen sey... Nichts feierlichs. Es war kein Grabmal nicht... Weist du, wie eine Quaal jetzt ist in deinen Worten?... on l’a trouvée / en train d’arranger le tombeau. Da ward kein Loos / Geschwungen... Sie ein Mann aber /.../ Führt sie gleich weg, enfermez-la / dans l’ombre obscure de la crypte, Umschattet ihr sie... ». Et auparavant, «Die vielfache Weheklage des Vaters / Und alles / Unseres Schiksaals, / Uns rühmlichen Labdakiden. / Io! du mütterlicher Wahn...» (...) Puis, après tant de transitions oubliées il y eut la place donnée, j’étais tout au bord du gouffre dans l’entrepôt désaffecté, defunctus, défunt (...) L’amitié toute proche, le commentaire sur la filiation impossible et l’identification du père (...) L’entrepôt parce qu’il était éventré ne gardait plus rien. Plus la moindre mise, ce n’était plus qu’une grande structure vide inapte à s’entremettre, entreposer ou interposer quoi que ce fût, fors l’abrupt. Dans cet état le mot lui-même vidé, comme l’entrepôt donnant lieu, me parut prédestiné à ce qui survint alors au défi de toute destination. La nécessité verticale au bord du vertige, au bord duquel d’un saut les voix prenaient appel pour parvenir au risque à chaque instant du faux-pas d’acteur — et surtout de Créon. Elles nous arrivèrent. (...) Le discours sur la césure, comme tout ce qui fut déjà dit par Philippe Lacoue-Labarthe et Michel Deutsch, eut lieu là-bas, plus d’une fois mais uniquement (...) Dire que j’en fus témoin serait encore parler d’un spectacle or ce fut autre chose (...) J’oubliais, Hölderlin était venu se mêler à la foule, un peu égaré, ne s’interrogeant plus (...).

 


 

[i] Écrit à l’occasion de la représentation, par le théâtre national de Strasbourg, de l’Antigone de Sophocle, retraduite de Hölderlin par Philippe Lacoue-Labarthe. Mise en scène de Michel Deutsch et Ph. Lacoue-Labarthe. Il faut savoir que la première de ces deux séries de représentations eut lieu dans les bâtiments abandonnés de l’Arsenal, détruits peu après, la seconde dans les locaux désaffectés des Anciennes Forges de Strasbourg. Première publication dans Avant-Guerre, 2, 1981.

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