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Mercredi 23 octobre 1996 à 23 heures
Jean Cocteau
Note du réalisateur
La réalisation :
Une phrase a guidé la réalisation du film, celle que Diaghilev adressa à Cocteau une nuit de 1912 : étonne-moi !
Ce portrait de Cocteau nest pas abordé comme une nostalgie, comme lont été les essais sur Montherlant, Proust ou Marguerite Yourcenar Il y a dans la personnalité même de Cocteau, une insolence, un insolite qui nous a convaincus et encouragés à étonner nous aussi.
Jean Cocteau est le premier créateur multimédia du XXème siècle, il convenait donc - entre autre - dutiliser les nouvelles technologies pour lui rendre hommage.
Pour la première fois dans un documentaire, limage de synthèse est utilisée comme un moyen scénographique. Outre les archives, le film est basé sur des séquences en images de synthèse qui ont permis de créer une mise en scène comme sur un plateau de cinéma, où les acteurs sont des photos, des livres et des dessins Cest un univers qui évoque le paradis, ou lenfer de Cocteau comme un grenier à ciel ouvert au dessus des nuages. Bien que se rapprochant dun esprit surréaliste, ces univers ne constituent en rien du " sous-Cocteau ".
13 minutes dimages de synthèse ont été créées pour ce film ainsi quun dessin animé à partir des dessins du Potomak et de nombreuses animations de photographies.
Le fond :
" Pourquoi faites-vous des pièces ? me demande le romancier. Pourquoi faites-vous des romans ? me demande le dramaturge. Pourquoi faites-vous des films ? me demande le poète. Pourquoi dessinez-vous ? me demande le critique. Pourquoi écrivez-vous ? me demande le dessinateur. "
Oui, pourquoi ? je me le demande. Sans doute pour que ma graine vole un peu partout. Le souffle qui mhabite, je le connais mal, mais il nest pas tendre. Il se moque des malades. Il ignore la fatigue. Il profite de mes aptitudes. Il veut donner sa part. Ce nest pas inspiration, cest expiration quil faut dire
Voilà tout Cocteau et voilà le mystère Cocteau. Le mystère dun écrivain qui a traversé son siècle en névitant aucun des exercices de la Beauté : ce fut la poésie, le roman, le théâtre, la peinture, le cinéma, les fresques : ce fut aussi un découvreur de talents et lacteur/témoin dune folie artistique qui couvrit plus de soixante ans de vie parisienne et pourtant il ny a pas un écrivain, moins lu, moins compris et plus méprisé que lui.
Sa vie lui porta tort et sa mort tarde à lui rendre justice.
Cocteau est dabord un homme seul. Tous ceux qui étudient sa vie et son uvre sont frappés par le génie quil déploie à participer à tous les événements de son temps. Il est linsaisissable qui court de Diaghilev à Picasso, de Stravinsky à Coco Chanel, de Nijinski à Radiguet, de Maritain à Robert Bresson et qui, à bout de souffle, poussé par lenvie de créer et de porter un talent, ne sarrête jamais et finit toujours seul et épuisé avant de sélancer vers une nouvelle passion.
Cocteau fut un animateur et un découvreur de talents. Un homme qui ne se trompa jamais sur lavenir des autres et qui sût les aider et les servir.
Cet aspect souvent décrié parce que jugé mondain et dérisoire, presque frivole, a occulté une uvre inégale mais sincère et souvent plus belle et plus exigeante que beaucoup de celles de ses contemporains.
Ce qui devrait nous alerter cest que Cocteau nappartient à aucune chapelle, à aucun groupe, à aucun parti. Cette insolence lui coûta la solitude et fit de lui une cible facile, privée dalliés prêts à ferrailler pour le défendre.
Sous les lustres parisiens et recherchant toujours le premier rang des avant-gardes, il se risquait à toutes les jalousies et à toutes les ignorances et il nen évita aucune.
Son uvre en fut atteinte et on confondit vite sa vie et son uvre. Pire, on sintéressa plus à ses fréquentations quà ses travaux et on jugea les unes à la place des autres.
Pourtant, ce " caméléon intrigant " comme lappelait Apollinaire fut un passeur inspiré, un insolent nourri par le scandale et un vrai tragédien.
Que lui reproche-t-on ? Dabord son éclectisme, ses dispersions, mais aussi ses fréquentations. Sous loccupation, il rencontra Fraigneau et Morand et défendit Rebatet à la Libération.
Aux attaques, Cocteau plaida la " patrie des poètes " avant celles des nations Argument de poète ou dirresponsable qui leva des armées contre lui. On lui reprocha aussi de vouloir être toujours jeune et despérer " courir plus vite que la Beauté ". Il réussit son pari en travaillant jusquau dernier jour et son uvre satisfaite de son talent lui livra le secret du temps.
LAcadémie royale de Belgique et lAcadémie française pressentirent limmortel en lui et linvitèrent à venir sasseoir sous leur coupole.
Cocteau le " ludion " fut admis comme un moraliste et ses voisins en habit vert lui donnèrent la place que le public tarde encore à lui accorder.
Félicitons-nous enfin de rencontrer avec Cocteau le plus grand témoin et le meilleur guide de lune des périodes artistiques les plus riches de notre histoire.
Chronologie
Jean Touzot in Jean Cocteau (La manufacture)
1889
3h50. Naissance à Maisons-Laffitte, dans la demeure dune famille bourgeoise, de Clément Eugène Jean-Maurice Cocteau, le troisième enfant de Georges Cocteau, né en 1842, avocat devenu rentier, et dEugénie Lecomte, née en 1855. Il est le frère de Marthe (1877-1958) et de Paul (1881-1961). Ses parents se sont mariés le 7 juillet 1875 à Paris.
Cancer de signe et dascendant. " Lhomme, malgré un attachement excessif à son enfance, malgré une vie désordonnée, simposera par sa personnalité et réussira dans ses amitiés plus que dans ses amours ".
"Il pèse six livres et demie, est bien constitué, un vrai bel enfant avec des cheveux noirs très touffus et la tête la mieux faite que j aie vue chez un nouveau-né.
Il nest pas laid du tout, cest un joli petit vieux" (Lettre dEmilie Lecomte, grand-mère de Jean. 9 juillet. Ondoiement du nouveau-né.
1890
20 juillet.
Baptême de Jean Cocteau à Maisons-Laffitte La marraine, Jeanne Durand-Viel, née Régnier, est la nièce de Georges Cocteau. Le parrain, Maurice Lecomte, loncle de Jean.
1891-1894
On a peu de détails sur la petite enfance.
La famille passe lété à Maisons-Laffitte et le reste de lannée à Paris, dans lhôtel particulier du 45, rue La Bruyère, propriété du grand-père Lecomte. Jean est confié à une gouvernante allemande, " Jéphine " (Joséphine Ebel). Il joue avec sa cousine Marianne Lecomte, de deux ans son aînée.
" Lorsque javais cinq ans et quon me demandait : " Que veux-tu être plus tard ? " je répondais : " Ingénieux. " Je confondais ingénieux et ingénieur. "
Précoce perception du prestige qui sattache au théâtre à travers les préparatifs de ses parents pour lOpéra ou la Comédie-Française. " Je dévorais le somptueux magazine Le Théâtre sous sa couverture en couleurs []. Aidé par les images, dans mon lit de faux malade, je découpais des décors et jen ornais un guignol. "
Plus tard, il construira des décors dans la cour de la rue La Bruyère, avec son camarade de classe René Rocher.
1895
Découverte du Nouveau Cirque, rue Saint-Honoré (les clowns Foottit et Chocolat, les acrobates)
Assiste (?) aux premières projections des films de Louis Lumière au Salon indien, boulevard des Capucines. Où est-il lâge naïf où nous vîmes LArroseur arrosé, Le Bock et Bébés au bord de l eau, dans la cave des frères Lumière, près dOld England ? (Old England qui vendait les costumes marins avec sifflets, le pet-en-lair mastic et les ignobles guêtres doublées de flanelle rouge qui gratte les jambes, tenait une place énorme dans notre enfance). Nouvelle expérience de la mort : celle dun ami de son âge. Douze ans plus tard, il avoue à J.-E. Blanche en rester encore bouleversé.
Décembre. Bulletin de notes du premier trimestre de cinquième C : ".. Intelligent, mais faible et facilement distrait ; esprit ouvert et fin, mais un peu agité ; travail inégal. "
" Mes prix de gymnastique, dallemand et de dessin donnaient un relief extraordinaire à mon inconduite. "
1902
Février. Assiste à linauguration du monument érigé à Paris, place dEylau, pour le centenaire de Victor Hugo.
Aurait assisté à une représentation de La vie est un songe, donnée par des collégiens dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne .
1903
Eté. Vacances à Châtel-Guyon (Grand Hôtel du Parc) sans sa mère. Premier voyage en Italie (?) avec sa mère.Venise vue par un enfant. Octobre. Entre en classe de quatrième A 4 au lycée Condorcet. Le premier bulletin trimestriel est satisfaisant (note de tableau dhonneur : 14).
1904
Nombreuses absences : appendicite ?
Pâques. Jean est renvoyé du lycée. Il fera sa seconde et sa première à lécole Fénelon, rue du Général-Foy.
Commence à signer ses dessins du pseudonyme de Japh (?). Ses sujets : chanteurs, musiciens, le monde du spectacle. Des bourgeois, des notables. Des sportifs. Le tennis Richard, lhippodrome à Maisons-Laffitte..
1905
J.C., Rocher et Boulant deviennent des piliers de lEldorado, où se produisent Mistinguett et Dranem, un spécialiste du calembour.
Vacances à Moy dans lAisne chez R. Rocher (?). " Maman chérie [] nous avons beau nous chamailler par-ci, par-là, je ne peux guère me passer de toi et je ne rêve que de rentrer au bercail. "
1906
Entre dans " latroce gâchis " de sa dix-septième à sa vingt-deuxième année, selon lexpression quil emploiera plus tard.
Ecrit des poèmes pour les siens, dune veine sentimentale et symboliste.
Avril. Mort du grand-père Lecomte.
Mai-juin. Brève liaison avec Jeanne Reynette, une vedette de lEldorado.. " Si tu savais comme je taime, et comme jétais heureuse dans tes bras te sentir là dans moi ! il y a si longtemps que je désirais ce moment-là ! est-ce un rêve ? Je tadore, toute à toi. Reyne. "
Echec au baccalauréat. Fugue à Marseille, où son frère Paul va le rechercher.
Septembre. Prépare la seconde session au Val-André chez les Dietz. Accepte le labeur intensif et les puces bretonnes " avec une rage sereine, selon la loi des disciples dEpicure " .
Nouvel échec. Il devient élève au cours privé de M. Dietz, rue Claude-Bernard.
1906
30 décembre. Joue dans une revue, Sisowath en ballade, écrite et montée par les élèves du cours. Parodie le comédien de Max, quil semble déjà connaître.
1907
Déménagement de la rue La Bruyère au 62 de lavenue Malakoff (aujourdhui avenue Raymond-Poincaré).
20 mai. Mariage de sa sur avec Jean Raimon.
Séjour à Caux en Suisse avec sa mère et sa cousine Marianne ? Monte Triplepatte de Tristan Bernard pour les résidents de lhôtel ?
Baccalauréat. Echec aux deux sessions, malgré un nouveau séjour au Val-André, où sa mère était venue lui rendre visite fin août. " Travail, tennis, dormir, voilà notre vie. " Ce qui ne lempêche pas de jouer les Arsène Lupin.
" Puisque tu me touches un mot au sujet de mon avenir (..) sache que je suis à ce sujet mille fois moins léger quon ne pourrait le croire. Récemment jhésitais encore sur la voie à suivre mais lavis péremptoire dun talent et dun génie ma poussé définitivement vers lidéal que je me forge. "
Hiver (?). De Max emmène J.C., maquillé et costumé en Héliogabale, au bal donné par R. dHumières.
1908
Samedi 4 avril. Matinée au théâtre Fémina, organisée par de Max en lhonneur de J.C. : conférence de L. Tailhade, récital poétique. Roger Martin du Gard figure dans lassistance.
Fin avril. Séjourne dans lAisne, chez R. Rocher.
12 mai. J.C. présent au salon des Poètes.
15 juillet. Premier poème publié dans Je sais tout, un sonnet : " Les façades ", qui sachève sur cette évocation (du drame familial ?):
" Combien ignorons-nous de larmes et de sang
Et près des volets clos quon regarde en passant
l'anneau froid des canons appuyés sur les tempes. " (référence au suicide de son père).
Septembre. Voyage à Venise avec sa mère via le lac Majeur, Milan, Vérone. Le 24, suicide de Raymond Laurent sur les marches de la Salute, une heure après avoir quitté J.C. Lépisode inspire deux poèmes repris dans La Lampe dAladin et deux récits inédits :
" O la course muette, la nuit, pour porter une gerbe à lhôpital lugubre. Le ciel pâle, les canaux immobiles, les maisons qui dorment avec des poses indolentes. " Automne. Sinstalle à linsu de sa mère un pied-à-terre dans une dépendance de lhôtel Biron, rue de Varenne.
Brève liaison avec Christiane Mancini, qui lui inspire le sonnet
" Sadisme ". " Quoi quil arrive, je serai toujours à toi de corps et dâme. Je souffre comme une bête et ta petite figure est là gravée dans ma tête. Christiane. "
Fait la connaissance de Proust (?) grâce à Lucien Daudet.
Scène de reproches très graves de Mme Cocteau. Découverte de la garçonnière ? Scandale public ? Fugue ?)
1909
Janvier. Première visite de Cocteau à Maurice Rostand au Meurice pour fonder Schéhérazade, une revue de luxe. Elle cessera de paraître le 15 mars 1911, après six numéros.
1er février. La Lampe d Aladin, premier recueil poétique. Paul Cocteau en envoie un exemplaire au collectionneur Jacques Doucet. 19 mai : Première des Ballets russes au Châtelet. Par Misia Sert, J.C. entre en relation avec Diaghilev et le milieu artistique.
Eté. Séjour à Arnaga (Pays basque) chez les Rostand. J.C. vu par Maurice : " Il était alors fort différent de ce quil est devenu. Une petite moustache effilée et brune, dont personne ne se souvient, ombrageait son visage. Ses cheveux lisses naffectaient aucune forme de houppe. "
20 novembre. Le Témoin publie un portrait-caricature de lactrice Madeleine Carlier, signé de J.C. Dautres suivront, dont un de Sarah Bernhardt.
1910
Printemps. Son amour pour Madeleine Carlier est assez connu pour quHenry Bernstein lui écrive, le 9 avril : " Elle est ravissante, Madeleine, et si gentille, si drôle ! Ne la plaquez pas tout de suite et dites-lui que je ladmire. "
Première visite de François Mauriac. Début dune amitié, elle aussi "contrariée". " Jaurais voulu être dans votre vie celui qui porte un peu de vraie Lumière "
Août. Vacances à Clarens (Suisse) avec le jeune écrivain André Paysan.
Composition du " mensonge en un acte : La Patience de Pénélope ". J.C. aurait porté lui-même, " costumé en chasseur de papillons ", son second recueil à Doucet.
1911
31 janvier. Première lettre à A. de Noailles : " Vous êtes plus " exquise que Ronsard, plus noble que Racine et plus magnifique que Hugo. " Une brève rencontre dans une voiture, le 14 février, et, le 28, J.C. sera reçu pour la première fois rue Scheffer.
Pâques. Séjour au cap Martin. Présenté par Lucien Daudet à limpératrice Eugénie,
" pareille à quelque fée des chèvres "
J.C. devient le familier de Mme Simone (Casimir-Périer). Il rencontre dans sa propriété de Trie-Château (Oise) Alain-Fournier et Péguy.
Par Diaghilev, il fait la connaissance de Stravinsky.
Dessine deux affiches (Le Spectre de la rose) pour le Comdia illustré du 15 juin, et croque Nijinski pour Comdia du 23 juillet.
Août. Vacances chez les Daudet, au château de La Roche, près dAmboise (lectures poétiques, charades).
Chez le comte de Beaumont, fait la connaissance dun Anglais, Reginald Bridgeman, élégant et cultivé, et devient ainsi familier de lambassade britannique (lord Derby).
1912
4 février. Premières séances de pose à Auteuil, chez Jacques-Emile Blanche, qui écrit le 15, dans son Journal inédit : " Cet enfant dont je métais méfié dabord, à cause de sa volubilité, sa nervosité sautillante et ses amitiés mondaines, est dune rare intelligence, dune inquiétante précocité de jugement. "
12 mars-8 avril. Voyage en Algérie avec Lucien Daudet et les livres de Gide. Alger
(" Cest Angers qui savance en demi-cercle "), la Casbah (avec le guide Mahieddine, nouvel Athman), Blida (ses roses), La Chiffa (ses singes, son rossignol). Butin : un journal et Les Vocalises de Bachir-Selim (fictif aède dun recueil mort-né).
13 mai. Première du Dieu bleu (argument de J.C., musique de R. Hahn, Ballets russes avec Karsavina et Nijinski). Demi-succès. 20 juin. La Danse de Sophocle, troisième " niaiserie " poétique. Espère un prix de lAcadémie française.
1er juillet. Paul Fort proclamé " prince des poètes ". J.C. lui succédera en 1960.
14 juillet. Promenade au bal de la Bastille, avec Jules Lemaître et Anna de Noailles.
27-30 juillet. Nouveau séjour à Trie-Château (lectures poétiques et fous rires).
6 août. Lettre de Gide à J.C. : " Vous êtes prodigieusement, périlleusement bien doué. "
8-15 août. Premier séjour à Offranville, chez le peintre Blanche. Autres invités : la princesse Bibesco et la romancière Edith Wharton.
Puis, séjour à La Roche chez les Daudet. Visite à Jules Lemaître. 1er septembre. La Revue de Paris publie six poèmes de J.C. " très noailliens ".
Fin septembre. Vacances à Cambo, " le Versailles basque " des Rostand (pelote, fandango, courses à pied, collaboration avec Edmond).
21-24 octobre. Offranville.
Mort dun ami, le poète Henri Bouvelet, " qui lui disait dans son agonie : " Je suis dans un climat où je ne puis plus exprimer ce que je ressens. " "
Fait la connaissance de Louis Gautier Vignal et devient lami de Paul Thévenaz, peintre et moniteur de gymnastique rythmique.
1913
Lannée du Sacre et des Eugènes.
3 avril. Assiste à la rencontre Jammes-Noailles chez Mme Daudet. Avril-mai. Séjourne à Versailles, au Trianon-Palace Hôtel, avec Maurice Rostand.
29 mai. Le Sacre du printemps. " Quelle bombe ! Quel chef-duvre ! ( ) Pour moi la révélation dune forme dart opposée aux habitudes et anticonformiste. "
Cocteau se rapproche encore de Misia et des modernes, ce qui pique la jalousie dA. de Noailles.
Eté. Nouveau séjour à Trie-Château. Péguy propose à J.C. daller à pied à Chartres.
11 août-16 septembre. Offranville. J.C. pose et sessaie à la peinture. "Son essai a été si déconcertant, de si étrange intelligence, quon a peur, en présence dun tel phénomène. " J. C. collabore avec J. -E. Blanche à une comédie : Albion ou Le Parfait Gentilhomme, que lirruption des Eugènes lui fait délaisser.
7 octobre. Retour pour un mois à Offranville.
14 octobre. Première rencontre de Gide. "Jean est assez petit garçon, feint le respect, sucre sa voix, Gide très maître, supérieur et amusé. "
Le Potomak, prend forme. Les noms des personnages lui seraient venus dans la pharmacie dOffranville.
23 novembre. Excelsior publie une étude de J.C. sur Du côté de chez Swann, souhaitée par Proust. " Swann est une miniature géante, pleine de mirages, de jardins superposés, de jeux entre lespace et le temps, de larges touches fraîches à la Manet. "
Janvier. Propose à Stravinsky, de passage à Paris, une idée de ballet : David. (" Cest une Parade. Cest du music-hall. Trois numéros dacrobate ", précise-t-il à Misia.)
Février. Longues tractations épistolaires avec Stravinsky sur le projet. Première rencontre de Copeau.
Mars-avril. A Leysin. Avec Thévenaz, dont lamitié le déçoit mais qui fait pourtant son portrait, prépare David mais sans Stravinsky. Chausse " les skis. Sport du genre Golgotha. " Découverte de la montagne en hiver : " Neige dAndersen. Arbre en cristal dépoli. Panache pour obsèques de Sarah Bernhardt . Achève Le Potomak, " le livre de la mue "
14 juin. Diner avec labbé Mugnier chez la baronne de Pierrebourg. " Cocteau était triste. Il a une souffrance au cur. Un autre a pris la place de ses viscères. "
7 août. La guerre. " On ma nommé de la Croix-Rouge ( ). Le gouvernement me charge des distributions de lait dans les gares. " Sinstalle chez Gautier-Vignal.
Septembre. Evacuation des blessés en Champagne. Reims bombardée (" La cathédrale semblable à une femme qui a reçu du vitriol. ").
23 septembre-octobre. Deux visites à Barrés.
Novembre. Baptême de lair avec Roland Garros. Acrobaties ? " Et, soudain, la tour Eiffel, au-dessus de moi, au-dessous de moi, de travers des chutes dans tous les sens "-lavouerai-je-, pas un poil de sec. "
26 novembre. Classé dans le service auxiliaire.
28 novembre. Premier numéro du Mot de P. Iribe et J.C., qui signera des dessins du pseudonyme de Jim (nom de son chien). Dufy, Lhote, Bakst, Gleizes y collaboreront eux aussi.
Décembre. Convoyeur dambulances avec E. de Beaumont, sur le front de Flandre. Episodes scabreux.
1915
12 janvier. " Cocteau mintéresse, quoique sa manière de parler mahurisse. "
Mars. Cocteau appelé à lactivité, mais ne rejoindra le front quen décembre.
Avril. Préparation du futur Cap de Bonne-Espérance. Il y aura " des interlignes, du blanc, du silence ".
Mai. Lit Le Potomak à labbé Mugnier. Le livre restera sur épreuves durant toute la guerre.
Eté. Projet de J.C. : adaptation moderne du Songe dune nuit d été, au cirque Médrano, avec Gleizes (décors et costumes).
Par Valentine Gross, reçue chaleureusement par Mme Cocteau, J.C. fait la connaissance de peintres (Braque, Derain, Modigliani).
8 septembre. J.C. témoin au mariage dAlbert Gleizes et de Juliette Roche.
18 octobre. Rencontre dErik Satie chez Valentine.
Décembre. Première visite de J.C. à Picasso dans son atelier.
18 décembre. Départ pour Nieuport, ambulancier chez les fusiliers marins.
Noël. " Ici commence le front qui se termine à Salonique []. Nous pénétrons alors dans ces catacombes. " Messe de minuit : " Voilà une nuit de Noël inoubliable et bougrement réussie. "
1916
Hiver. Front. La ville " creuse ". Fracas des " marmites " Soldats marqués de sang. Lecture de Guerre et Paix, de Dostoïevski. Elaboration du poème " Secteur 131 ", qui deviendra le Discours du grand sommeil. A sa mère : " Je mange tes bonnes lettres. "
Printemps. Permission à Paris, très importante pour le rayonnement et les projets de J.C.
Fin mars. Visite en habit darlequin à Picasso, qui garde lhabit sans faire le portrait escompté.
" Je te dérange mon vieux Pablo .Votre Arlequin portait déjà le ubisme dans ses losanges. "
Par Picasso, découvre les artistes de Montparnasse, dont Modigliani qui fait son portrait, Max Jacob, Reverdy et Apollinaire. Le projet de luvre unissant peinture et musique moderne avance (accord de Satie) et le titre Parade sest imposé.
Mai. Le 1er, pose en uniforme militaire pour Picasso. Le 2, drame chez E. Wharton entre A. de Noailles et J.C. : " Prise de cheveux à propos de Claudel ". Le 7, retour au front, attristé : loin des zouaves et des marins. " Duna-Park ".
Juin. Du 1er au 10, permission à Boulogne, près de Valentine Gross. Le 16, visite de Cécile Sorel en tournée sur le front. Le 24, nouvelle affectation dans la Somme.
28 juillet. Retour définitif à Paris.
Août. Première lecture du Cap de Bonne-Espérance chez Etienne de Beaumont. Le 24 :
" Picasso fait Parade avec nous. "
Septembre. Semble préservé dun retour sur le front, sur lintervention de Philippe Berthelot qui le détache au service de propagande du ministère des Affaires étrangères.
7 octobre. Soirée " Babel " : " Mme E. criait en espagnol avec Picasso " Serge (Diaghilev) en russe avec Massine et Satie en sauterne avec moi. "
Novembre. Le 4, matinée Claudel au Gymnase. Plusieurs soirées à Médrano, avec Paul Morand.
Novembre-décembre. Manifestations artistiques à " Lyre et Palette ", rue Huyghens. Lecture de poètes, dont sa cousine Françoise (sept ans).
31 décembre. Participe au banquet tumultueux donné en lhonneur dApollinaire (Picasso, Jacob, Reverdy, Gris, Cendrars, Gide, etc.).
1917
17 février. Départ pour Rome avec Picasso pour retrouver la troupe de Diaghilev et préparer Parade. " Cest une usine à construire. " Peu de visites. Joue à la passion avec une ballerine : Marie Chabelska.
10-13 mars. Seule escapade : Naples (" ce Montmartre arabe "), Pompéi : " Le Vésuve fabrique tous les nuages du monde. "
9 avril. Retour à Paris.
Rencontre de Jean Le Roy, poète de vingt-trois ans qui sera tué au combat en avril 1918. " Cest de ce moment-là que date notre amitié interminable. Depuis Noël 1917, nous nous écrivions chaque jour. "
18 mai. Première de Parade, " ballet réaliste ". Dans le programme, Apollinaire célèbre
l" alliance de la peinture et de la danse " avec la musique, " signe de lavènement dun art plus complet ", et salue dun mot nouveau, " surréalisme ", cette première manifestation de 1" Esprit nouveau "
21 juin. Assiste à la représentation des Mamelles de Tirésias dApollinaire. Pour le programme, J.C. écrit " Zèbre ", un poème cubiste.
13 août. Nouvelle lecture du Cap (après celle du 15 juin chez Morand), rue dAnjou, devant des mondains et, selon Mauriac, " devant un Picasso pince-sans-rire et qui sen fout ".
17 août-15 octobre. Premier séjour au Piquey, près dArcachon, avec les Lhote. " On rame, on dort, on se roule dans le sable, on se promène tout nu dans des paysages du Texas. " Pêche un peu et lit beaucoup (Thomas Hardy, Stevenson, Goethe). Projette La Noce massacre.
Novembre. Au procès intenté à Satie par un critique, J. C. menace lavocat du critique. Il est conduit au poste.
30 décembre. Séjour à Grasse dans la villa de Marie-Thérèse de Croisset. Sa fille Marie-Laure, âgée de quinze ans, aurait été, selon Cocteau, " follement amoureuse de lui ".
1918
15 janvier. En labsence de J.C., première manifestation du groupe des Six au théâtre du Vieux-Colombier. Cependant, il compose " un petit livre sur la musique " : Le Coq et l Arlequin, qui ne paraîtra quen février 1919 aux éditions de la Sirène, maison fondée par J.C. et Cendrars.
10 février. Retour à Paris.
23 avril. Dîner avec Garros. Soirée chez Valentine avec le pianiste Ricardo Vines.
Juin. Grippe espagnole. En traitement chez le Dr Capmas, rue des Mathurins.
Juillet. Premières sorties : cinéma (avec Valentine et Jean Hugo) le 1er , boxe (G. Carpentier) le 4. mariage de Picasso qui a pris J. C. et Max Jacob comme témoins, le 12.
2 juillet. J.C. est définitivement réformé. Paul, son frère, valeureux pilote, est décoré de la Légion dhonneur.
15 juillet. Sinstalle chez les Beaumont. Réceptions mondaines ou artistiques (Misia).
7 août. Témoin avec Satie au mariage de Jean Hugo et de Valentine Gross.
14 août. Arrivée au Piquey. Regrette de ne pas avoir pu assister à la " grande fête nègre " donnée par E. de Beaumont. Le jazz américain y conquit le Tout-Paris. " Je commence à être assez noir pour faire partie de lorchestre. "
9 novembre. Mort dApollinaire. J.C. se croit autorisé à lui succéder comme porte-flambeau de lEsprit nouveau.
7 décembre. Achevé dimprimer du Cap de Bonne-Espérance, qui ne sera distribué quen janvier 1919. La lecture chez Adrienne Monnier, la libraire de la rue de lOdéon, aura lieu au début de lhiver, en présence de Gide, L.-P. Fargue, Satie, Breton, Soupault, etc.
1919
9 février. " Je suis attentif à tous les efforts de Dada. " (Lettre de J.C. à Tzara.) A. de Noailles sefforce de régler un différend entre Cocteau et Gide.
31 mars- 11 août. Journaliste à Paris-Midi (articles recueillis en 1920 dans Carte blanche).
20 mai. Parution du Potomak, première ".uvre écrite sous la dictée dun inconnu ".
Juin. " Lettre ouverte à Jean Cocteau " publiée par Gide à la N. R. F. sur Le Cap de Bonne-Espérance, Parade et sur l'incompétence de J.C. en esthétique musicale. La réplique de J.C., jugée offensante par la N.R.F., est publiée dans Les Ecrits nouveaux daoût : " Il y a en vous du pasteur et de la bacchante. " En octobre, Gide répond dans la méme revue quil reprochait à J.C. " non point tant de suivre, que de feindre de précéder ".
8 juin. Hommage à G. Apollinaire à la galerie Léonce Rosenberg, défenseur des cubistes. Parmi les lecteurs de poèmes, Raymond Radiguet, adolescent prodige de seize ans. J.C. est présent.
Eté. Séjour en août à Ahusky, près de Mauléon, avec Louis Durey, le plus discret des Six, et à Aix, en septembre, auprès de Darius Milhaud. A la fin du mois, il séjourne à Grasse chez les Croisset.
Novembre : échange de lettres entre Cocteau et le père de Radiguet, qui avait découvert une correspondance compromettante entre le poète et son fils. Radiguet entre dans la " Société dadmiration mutuelle " dont parle Paul Morand.
1920
23 janvier. Participe à la matinée Dada comme auteur et lecteur.
20 février : avec laide dE. de Beaumont, monte Le Buf sur le toit, " farce américaine faite par un Parisien qui na jamais été en Amérique ". Assez vif succès. Le shah de Perse et son ministre Firouz Mirza assistent au spectacle.
Mai. Après le festival Dada du 26, rompt bruyamment avec le mouvement. Premier numéro de la revue Le Coq (avec Radiguet). Elle sinterrompra en novembre (n°4).
Juin-juillet. Séjour à Londres avec D. Milhaud, pour la version anglaise du Buf, donnée au Coliseum. Grâce à la présence de Firouz (le prince Turquoise), il assiste à une séance de la S.D.N Il visite les docks indiens (" le plus beau souvenir du voyage avec les autobus ", le British Museum, la patrie de Shakespeare, et Lock, le célèbre chapelier.
Août-octobre. Au Piquey, visites de Lipschitz, du prince Turquoise et de Radiguet. Lectures (Balzac, " lanti-poète par excellence ", les Confessions). Ecrit Paul et Virginie, livret pour Satie en collaboration avec Radiguet, puis Le Baron Lazare, pièce en trois actes (" on dirait du Bernstein ") et, pour Pierre Bertin, Le Gendarme incompris.
Octobre. Lettre de Claudel invitant Cocteau à faire des conférences à Copenhague.
9 décembre. Exposition Picabia à La Cible, rue Bonaparte, avec un jazz-band parisien : Auric-Poulenc au piano, et Cocteau (trombone, grosse caisse, castagnettes, mirliton, klaxon-le " poète-orchestre ", dit Aragon).21 décembre. Reprise de Parade.
1921
Hiver. J.C. et sa bande damis lancent le bar Gaya, rue Duphot, où joue le pianiste Wiener. Travaille avec les Hugo à la préparation des Mariés de la tour Eiffel. J.C. tient la critique de jazz à L Intransigeant.
16 mars. Rejoint Radiguet, parti seul pour Carqueiranne. Le 30, réplique vertement à sa mère qui le lui reproche : " Nas-tu pas encore compris que ma vie se passe à lâcher mes instincts, à les regarder, les trier une fois quils sont dehors et à les mater à mon profit. " Mi-avril. Retour à Paris. 18 juin. Première des Mariés au théâtre des Champs-Elysées. Grand chahut des dadaïstes. Le compte-rendu de Béraud dans le Mercure de juillet
(" Jean Cocteau na que des sous et son groupe lui ressemble ") peine Mme Cocteau.
Juillet. Séjourne avec les Bertin à Besse-en-Chandesse, " peuplé dAuvergnats haineux et sales ". Lectures (La Cousine Bette ; " Madame Bovary, que je nai jamais lu ( ) membête "). 16 juillet. Humour belge : " Un cocktail. Des Cocteau ", un échotier de LHorizon (Bruxelles). Août-septembre. Le Piquey. Travaille à un " bilan de lesprit poétique actuel ", tandis que Radiguet écrit Le Diable au corps.
8-9 décembre. Conférence à Genève et Lausanne, publiée en 1922 sous le titre Le Secret professionnel.
1922
La grande année Radiguet.
10 janvier. Ouverture du " Boeuf sur le toit ". le bar de Moysès, rue Boissy-dAnglas. La fugue de Radiguet à Marseille et en Corse avec Brancusi aurait été improvisée ce soir-là.
Mai. Réconciliation avec Gide. Le 13, départ pour Le Lavandou avec Radiguet, puis installation, en août, à la villa " Croix Fleurie ", à Pramousquier.
Bilan dune exceptionnelle fécondité malgré les amis-résidents (les Hugo, Auric, P. de Lacretelle). Outre des poèmes, Antigone, " la plus belle pièce du monde ", et surtout deux romans (J.C. a lu beaucoup de Proust, des Fantomas et Stendhal, " le faux frivole type "). Le roman " me donne du plaisir, alors que la poésie est
ne souffrance et la critique un jeu ". Beaucoup de dessins et de poèmes (dont Plain-Chant).
Novembre. Retour à Paris.
18 novembre. Mort de Marcel Proust. Cest devant son cadavre que Gaston Gallimard aurait, pour la N.R.F., demandé Thomas limposteur à Cocteau. " Le jour de la mort de Proust, à La Nouvelle Revue française, où nous nous réunîmes, Gide me murmura, dans lescalier de Gallimard, avec amertume : " Bientôt je naurai plus ici que mon buste. ".
21 novembre. Enterrement de Proust, suivi avec Radiguet. Sur le trajet du convoi funèbre, arrêt-crêpes au " Buf sur le toit ".
20 décembre. Première dAntigone, chez Dullin. Musique dHonegger, costumes de Chanel " magnifiquement simples ".
1923
Hiver. Semploie à faire exempter Radiguet de service militaire. Il sera réformé.
Février. Brève " cure de vie libre " à lhôtel du Grand Condé, à Chantilly.
Avril. Voyage à Londres avec Radiguet. Visite dOxford. Séances de tables tournantes à Paris chez les Hugo : lesprit déclare en vouloir à la jeunesse de Radiguet.
3 mai. Conférence au Collège de France : " Dun ordre considéré comme une anarchie ".
15 mai. Réussit à faire attribuer à Radiguet le prix du Nouveau Monde pour Le Diable au corps.
10 juillet-14 octobre. Vacances au Piquey avec Radiguet, puis Auric et les Hugo. Présence dune machine à écrire et dun piano. Etrange sentiment de malaise physique et moral.
Automne. Découvre le numéro Barbette (travesti trapéziste). Fuyant J.C., Radiguet sinstalle à lhôtel Foyot avec Bronya Perlmutter. Une typhoïde se déclare. Hospitalisation trop tardive.
12 décembre. Mort de Radiguet. J.C. se couche, en proie à une immense douleur. Il nassistera pas aux obsèques.
1924
Janvier. A Monte-Carlo. Présence dAuric, de Poulenc et de Louis Laloy, qui lui conseille lopium pour oublier. " Cette mort a rompu un charme. Je pense que je nécrirai plus jamais. " Son activité prendra simplement une autre forme. Projet de ballet : Le Train bleu avec Darius Milhaud et Chanel.
Février. Première visite de Maurice Sachs à J.C., rue dAnjou. Mars. Bref séjour à Villefranche chez Marcelle Garros et à Monte-Carlo.
Juin. Première de Roméo et Juliette au théâtre de la Cigale, un spectacle commandité par E. de Beaumont. Mise en scène de J.C., qui tient le rôle de Mercurio. M. Sachs joue le rôle dun page. 14 juin. Première de Mercure (Satie et Picasso), ballet fort apprécié de J.C. Le 20, première du Train bleu, la dernière uvre de J.C. pour Diaghilev.
Début juillet. Auric amène à Meudon, chez les Maritain, un J.C. désemparé qui " vient à Jacques parce quon lui a dit quil pouvait lui faire retrouver la paix, et retrouver Dieu ". Juillet-novembre. Villefranche, villa " Le Calme ", entre Auric et Marcelle Garros. Lectures (les six livres de la Vie de Jésus de la mystique Catherine Emmerich, et des romans policiers). Dessine beaucoup (le futur Mystère de Jean loiseleur). En outre, donne chez Stock Dessins, dédiés à Picasso.
Tourisme, visites (Picasso, les Hugo à Fourques, les Croisset à Grasse). Leçons de conduite : " Je prends le frein pour laccélérateur. " Termine son séjour à lhôtel Welcome.
Novembre. La librairie Stock, place du Théâtre-Français, consacre une vitrine à J.C.
Décembre. Londres pour Le Train bleu et pour fuir lanniversaire du " désastre ".
1925
Lannée du Bon Samaritain.
Hiver. Visites à Jacques Maritain, qui lui conseille de revenir aux sacrements. Révélation de lange Heurtebise, dans lascenseur, lors dune visite à Picasso. Rencontre de Jean Bourgoint et de sa sur, les bohèmes de la rue Rodier.
21 février. Exposition de dessins et de manuscrits à Bruxelles.
27 février. Conférence à luniversité des Annales : " La jeunesse et le scandale ".
12 mars. Fondation du Roseau dor par J. Maritain. Avec Ghéon et Ramuz, J.C. fait partie de la rédaction de la revue.
Mi-mars à fin avril. Cure de désintoxication à la clinique des Thermes Urbains, rue de Chateaubriand à Paris. Peu de visites et beaucoup de dessins (Maison de santé, publié en 1926).
Mai. Convalescence jusquau 11 à lhôtel des Réservoirs à Versailles.
Juin. Le 15, assiste à la réunion à Meudon des collaborateurs du Roseau dor. Le 16, arrivée à Meudon du père Charles Henrion, en burnous blanc avec le cur et la croix rouges. Selon Raïssa Maritain, Cocteau est " pris " : " Le cur dont il signe toutes ses lettres est devenu le cur de Jésus. " Le 17, visite de J. Maritain à J.C. Pierre Reverdy, qui laccompagne, " presse violemment ", J.C. : " Comment pourrais-tu rien comprendre sans les sacrements ? Prends les écouteurs ! Prends les écouteurs ! " Le 18, confession de J.C. Le 19, fête du Sacré Cur : communion de J.C. avec les Maritain, les Fumet, Ghéon, Massignon.
Août-octobre. Villefranche : Lettre à Jacques Maritain, Orphée. Projet de collaboration avec Stravinsky : dipe roi. Rencontre de Christian Bérard.
23 novembre. Lors dun déjeuner rue dAnjou, bilan moral et religieux de J.C. devant labbé Mugnier : deux conversions, Sachs et Bourgoint ; il " nest pas pour " le ciel officiel ". Il ne croit pas à lenfer []. Il dénoue certains jeunes gens. " Parmi ses correspondants, un certain " Jean de List " (Desbordes). Décembre. Exposition dobjets insolites (dont la célèbre tête en débourre-pipe) à la galerie des Quatre-Chemins.
Noël. Confession à labbé Mugnier. Messe de minuit et repas chez les Maritain avec labbé Lamy qui raconte ses apparitions de la Sainte Vierge.
31 décembre. Départ pour Villefranche.
1926
Hiver. Villefranche. Rame à bord dune barque, IHeurtebise. Solitude laborieuse (dipe, poèmes, corrections dépreuves). Spectacle de la rade (marins américains, escadre anglaise). Recrudescence des attaques des surréalistes contre J.C.
Printemps. Devient lidole des jeunes gens. Pousse les déçus du surréalisme (P. Sabon, A. Grange, etc.) vers les Maritain. Eloignement de Valentine Hugo.
10 juin. Emmène Stravinsky dîner chez les Maritain.
15 juin. Première dOrphée chez les Pitoëff, au théâtre des Arts. " Cest douze ans de drame, jetés, cachés là. "
Défend Chirico contre les surréalistes. Console Jouhandeau dune déception sentimentale.
Eté. Retour à Villefranche. Bref passage de Desbordes (" Jeanjean ").
14 septembre. Nice. " Récital Jean Cocteau " par Isadora Duncan, M. Herrand et J. C. (Orphée et poèmes du futur recueil Opéra).
29 octobre. A sa mère, après lecture dun violent article de Picasso contre lui : " Je souffre atrocement (. . ). Je suis foutu. "
Noël. Avec Desbordes (?) installé à lhôtel de la Madeleine, rue de Surêne, dans la chambre de Radiguet, auquel Jeanjean sidentifie.
Année de létoile.
1927
Janvier. Voyage à Montpellier pour rencontrer un jeune correspondant, Y. Belaval. De lhôtel de la Madeleine, Desbordes lui écrit : " Reviens si tu peux. Tu trouveras moi, et puis Raymond. "
Mars. Profite de travaux chez sa mère pour prendre une chambre dhôtel, " chose abstraite et merveilleuse. Les murs de la rue dAnjou me regardent et me dévorent. "
30 mai. Première ddipus Rex, dirigé par Stravinsky. Lanimosité de Diaghilev empêche Cocteau de jouer le rôle du récitant, comme il lescomptait.
4 juin. Reprise dAntigone avec J.C. dans le rôle dHeurtebise.
" La naissance dun livre comme Opéra me tue. " 7 décembre. " Autour dOrphée et
ddipe ", conférence de J.C. à luniversité des Annales.
22 décembre. Départ pour Chablis. Séjour à lhôtel de lEtoile, avec Desbordes. " Retrouve un peu linnocence des bêtes. " Termine La Voix humaine. Ecrit Le Livre blanc.
25 décembre. " Javoue que je nessaie pas de me perfectionner dans les pratiques religieuses et que je trouve Maritain engagé dans une grave erreur et dans des luttes mondaines. " Nenvoie pas le quatrain de tradition (" Noël ") à sa mère.
28 décembre. Création au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, dAntigone, tragédie lyrique dHonegger et J.C. Elle sera reprise quinze jours plus tard au Stadttheater dEssen.
1928
Lannée Jadore.
Hiver. Villefranche, hôtel Welcome, avec Desbordes. Juin. Sortie tapageuse de Jadore chez Grasset.
Juillet. Après Le Mystére laïc, illustré par De Chirico, paru dans la collection Maurice Sachs à la librairie des Quatre-Chemins, Maurice sort clandestinement Le Livre blanc. On y lit en tête : " Jai toujours aimé le sexe fort que je trouve légitime dappeler le beau sexe. Mes malheurs sont venus dune société qui condamne le rare comme un crime et nous oblige à réformer nos penchants."
6 août. Labbé Mugnier se rend chez Gabrielle Chanel, qui héberge alors J.C., pour une mise au point. " Il mavait cité dans Les Nouvelles littéraires comme ayant rapproché saint François de Jadore (. . .) . [Il] ma dit sur Maritain, lart, la théologie, etc. une foule de choses que je nai pas saisies. Il y a certainement du désordre dans son cerveau. "
Promenade dans les Vosges et en Alsace avec Desbordes pour chauffeur.
Automne. Villefranche. Il passe quelques jours dans la maison de Roquebrune, prêtée par Chanel. Visite de Gide. Charge Maurice Sachs de prendre des vases persans rue dAnjou et de les vendre.
5 décembre. Entre dans une maison de santé à Saint-Cloud pour y subir une cure de désintoxication offerte par Chanel. Raymond Roussel sy trouve lui-même en traitement.
1929
Hiver. Entreprend Opium. " La poésie de reportage me restait à explorer. " Le manuscrit compte 76 dessins à la plume. Premières visites en février, dont celle de Gide. Ecrit Les Enfants terribles en dix-sept jours.
19 mars. Première sortie en auto pour la lecture de La Voix humaine à la Comédie-Française.
Avril. Chanel interrompt la cure. J.C. occupe " une chambre de pendu " dans un petit hôtel de la rue Bonaparte.
Mai. Séjour à Villefranche, puis à Roquebrune, avec Desbordes. 4 juin. Témoin au mariage de Jouhandeau avec la danseuse Caryathis (en même temps que Gallimard, Crevel et Marie Laurencin). 10 juillet. Projection du Chien andalou de Buñuel, chez les Noailles, devant J.C.
Août-septembre. Roquebrune. Engage un boy annamite, Biou, pour tenir la maison : un économe modèle ! Beaucoup de soucis avec Desbordes (accident de voiture, fugues, passion du jeu). Resté seul, est invité par une " belle dame " du monde à passer quelques jours à Eden-Roc, lhôtel du cap dAntibes.
Automne. J.C. sinstalle au Madeleine-Palace-Hôtel, 1, rue Tronchet. La critique salue Les Enfants terribles comme le chef-duvre de J.C. Enregistrement dun disque pour Columbia.
Noël. Suicide de lun des " enfants terribles " : Jeanne Bourgoint. Fin décembre. Passe la Saint-Sylvestre à Hyères, chez les Noailles, avec Auric. Lidée de faire un dessin animé est proposée par Marie-Laure de Noailles aux deux amis. Pour confondre lhistorien dart Bernard Berenson, Cocteau fabrique un faux Picasso.
1930
21 janvier. Déjeuner de labbé Mugnier chez le " jeune maître de la rue dAnjou ".
15 février. Première de La Voix humaine.
15 avril. Début du tournage du Sang dun poète, commandité par Charles de Noailles, au lieu du dessin animé prévu.
4 juin. Théâtre Pigalle. Cantate dI. Markevitch, texte de Jean Cocteau. Orchestre et churs dirigés par R. Désormière.
Août-septembre. Le tournage sachève douloureusement pour J.C. (sciatique). " Maintenant je sais écrire en pellicule comme avec de lencre. "
Automne. Séjour à lhôtel de la Rade, à Toulon, avec Bérard et Desbordes. Fréquentes soirées chez les Bourdet à la " Villa Blanche ".
1931
Lannée blanche.
Janvier. Toulon. Grand Hôtel. Dénoue " lembrouille " du film, ajourné à un an par une cabale (Lucien Daudet, E. de Beaumont). Février. Parution des Tragédiens, roman de Desbordes, dont Cocteau semble avoir écrit des passages.
Eté. Toulon avec Bérard et Desbordes. Souffre de la " cagne " (" paresse illustre du littoral "). Typhoïde fin août : quarante jours de clinique. Il y reçoit une lettre de Thomas Mann : " Vous êtes de la race qui meurt à lhôpital. " Convalescence à la " Villa Blanche " chez les Bourdet. Assiste au mariage dAuric à Saint-Paul-de-Vence.
15 novembre. Emménage au 9, rue Vignon. Fume de plus belle. 15 décembre.
Salle Gaveau, concert Désormière avec Parade. " Cocteau arrive paré de gants blancs énormes et épais, la mort entre avec lui. "
1932
Lannée Natacha.
Hiver. Retour à dipe et au théâtre (titre provisoire : La Mort du Sphinx).
20 janvier. Conférence au Vieux-Colombier pour présenter Le Sang dun poète.
Printemps. Liaison avec la femme du couturier Lelong, Nathalie Paley (vingt-sept ans). Jalousie de Marie-Laure. J.C. Ia gifle, " attitude grotesco-sublime " du mari.
Eté. Vacances. Brève halte à Fontainebleau chez les Thomassin. Installation à lhôtel Saint-Georges à Saint-Mandrier, avec Desbordes et le chien Petit-Cru, qui crèvera durant lautomne, au désespoir de son maître.
Achève La Machine infernale quil lit aux Bourdet et à Jouvet. Correspond avec Nathalie quil accusera plus tard dêtre allée se faire avorter en Suisse. Fait la connaissance de Marcel Khill chez un officier de marine opiomane, Tranchant de Lunel.
Automne. Après une dernière explication avec Lucien Lelong, J. C. sincline.
1933
Printemps. Après la mort de son employeur, M. Khill devient secrétaire de J. C. Longues tractations avec Jouvet pour la préparation de La Machine infernale. Envisage une nouvelle pièce, Blancharmure.
Eté. Cure de diététique et de solitude à Paris, dirigée par le Dr Rosenthal. Séjourne quelques semaines au château de Briacé, près de Nantes, auprès de G. Blanchard de Crances (soleil, sommeil et suralimentation).
Novembre. La N.R.F. publie Le Fantôme de Marseille.
Décembre. Retour de Desbordes chez sa mère. Nouvelle cure de désintoxication à la clinique Salem.
1934
Ecrit des chansons parlées pour Marianne Oswald.
9 avril. Première de La Machine infernale à la Comédie des Champs-Elysées.
Juin. Die Sammlung, revue de K. Mann, publie six poèmes allemands de J.C. : " Du ", " Das Luftkind ", " Man hat mir erzahlt ", " Die Strasse ", " Der Vogel ", " Blut ".
Eté-automne en Suisse. Dabord à Villars-sur-Ollon avec Marie-Laure de Noailles et Markevitch. Lorageuse Marie-Laure provoque un repli à Corsier-sur-Vevey. J.C. y suit Markevitch dans la maison louée par sa mère. Il y termine Les Chevaliers de la Table ronde, en découvre la musique. Il dessine. Participe, à Genève, à la représentation d Histoire du soldat et du Pauvre Matelot. Donne des conférences à Vevey et à Leysin. Ebauche une idylle épistolaire avec Louise de Vilmorin, dont il a découvert la Sainte Une fois dans lenthousiasme.
Quitte la rue Vignon pour sinstaller au Madeleine-Palace-Hôtel.
" Cest le temple de la Madeleine qui moblige à rayonner autour de ses colonnes. "
1935
19 janvier-11 mai. Donne au Figaro du samedi la série des " Portraits-souvenir " illustrés de dessins. Vif succès. Gide : " Cest un émerveillement. "
Printemps. A Juan-les-Pins, puis à La Colline, prés dAntibes, chez les Vilmorin, avec Khill. A Villefranche, enfin seul, cherche à écrire des articles et trouve un sujet, non sans peine.
Juillet. Croisière journalistique avec Khill à bord du Lancelot. " Cest le bâtiment idéal de deux casse-cou que les terrasses de cafés embêtent. " De Villefranche à Toulon, via Cannes, les îles de Lérins, Saint-Tropez, Port-Cros, Porquerolles, Saint-Mandrier, à la " Villa Blanche " chez les Bourdet. Assiste au mariage dAuric à Saint-Paul-de-Vence.
Août. Le reportage, intitulé " Retrouvons notre enfance ", paraît du 4 au 16 août dans Paris-Soir.
Automne. Nouvelle adresse à Paris : hôtel de Castille, 37, rue Cambon.
Décembre. Termine frileusement lannée à Fourques, chez Jean Hugo, en compagnie de M. Khill et de J. Bourgoint.
1936
29 mars-17 juin. " Tour du monde en 80 jours " : Rome, Athènes, Alexandrie, Le Caire. " LAcropole bouleverse. Le Sphinx effraye. Rhodes est un paradis où les races se mélangent et où on parle toutes les langues. " Train entre Bombay et Rangoon : " La glace est chaude (sic). " Singapour, Hong-Kong. Le 11 mai, il découvre la présence sur son bateau de Chaplin et de sa femme, Paulette Goddard. Poursuit vers Tokyo (théâtre japonais), Honolulu, San Francisco, Hollywood et New York. Le reportage paraît au mois daoût dans Paris-Soir.
Août. Séjourne sur le littoral varois, à La Croix.
Automne. Séjour à Fourques : " La vie de la Bibliothèque rose. Nous avons cinq ans. Nous chassons les insectes, les lézards, les couleuvres. "
Gide est chargé par J.C. de favoriser sa réconciliation avec Aragon. Nouveau disque : Le Fils de lair, chez Ultraphone.
21 octobre. Remariage de sa sur Marthe, veuve de Jean Raimon, avec Henri Boussard de la Chapelle.
Noël. Au château de Briacé.
1937
Lannée du sauvetage dAl Brown.
10 février. Conférence à luniversité des Annales. Lannes : " Couplets dusage sur lenfance et la poésie. "
Au " Caprice viennois ", un cabaret, découverte du boxeur déchu Al Brown, devenu musicien. J.C. décide de le faire remonter sur le ring et dabord de le désintoxiquer, avec le concours de Chanel.
Mars. Inaugure à Ce soir, le quotidien dAragon, une rubrique intitulée : " Articles de Paris ". " On my laissait libre de bavarder avec le public, à ma guise et, en somme, dy écrire nimporte quoi. " Cette collaboration se prolongera jusquen juin 1938.
Printemps. Préside à une audition des élèves de R. Rouleau avant dipe roi. Découvre Jean Marais et lui fait donner le rôle du chur.
12 juillet. Générale ddipe roi au théâtre Antoine. " A lentrée, laspect surélégant du public ma fait fuir ; les sourires surtout, les courbettes. " Gide
9 septembre. Al Brown met K.O. au premier round André Régis pour son combat de reprise à la salle Wagram. J.C. reporter sportif : " Et soudain la chose arrive, la foudre tombe, linsecte pique, le diable sort de sa boîte, le serpent frappe Régis devient mou et seffondre. "
Automne. Collabore à Radio-Luxembourg et à Radio-Cité.
14 octobre. Première des Chevaliers de la Table ronde, avec Jean Marais dans le rôle de Galaad-Blancharmure. Une exposition de dessins se tient au foyer du théâtre en marge de la pièce, et une autre à la galerie des Quatre-Chemins.
Décembre. Dernier voyage avec M. Khill (Marseille et excursion " dans la neige
italienne ").
Académie Mallarmé : " Un jour les photographes me découvrirent chez Prunier et mapprirent que j étais élu dans une apothéose de magnésium. "
31 décembre. Présente Al Brown au public du cinéma Montparnasse.
1938
Janvier. Exécute sur des draps de lit plusieurs dessins au fusain, au crayon (et même au sang), dont La Peur donnant des ailes au courage et Esparia.
Février. Montargis, Grand Hôtel de la Poste, avec Jean Marais. Tarde à sattaquer aux Parents terribles, puis lécrit en huit jours.
4 mars. Al Brown reprend à Sangchili son titre de champion du monde des poids coq. " Jai lautre soir, par un poing final, terminé, grâce aux sortilèges dAl Brown, le poème à l" encre noire " que je métais proposé décrire sans le secours de la plume. " Dans une " Lettre ouverte " (article du 5 avril), il conseille à son poulain dabandonner la boxe après son combat avec Angelmann, le 13. Ce qui fut fait. Mais ce ne fut pas, sur le sujet, le point final du poète
8 mars. Projets de collaboration au Journal avec Desbordes et Roger Lannes (une page par semaine), qui échouent en avril.
26 avril. Asmodée et LAge ingrat à la Comédie-Française. Exalte Desbordes (pour diminuer Mauriac ?).
Gala mondain : Blanche-Neige et les sept nains. Lannes : " Jean trouve ce film affreux et ces gens atroces." Emménage au 9, place de la Madeleine, avec Jean Marais.
Mai. Eprouvantables tractations pour trouver un théâtre aux Parents terribles. Chanel insensible aux menaces de suicide. R. Capgras, ami dA. Cocéa, laccepte enfin aux Ambassadeurs.
Juillet. Séjour à Toulon avec Marais chez la décoratrice Coula Roppa. Descente de police à laube : inculpation pour trafic de stupéfiants.
Août. Vacances poursuivies à Saint-Tropez, hôtel du Soleil, et à Pramousquier chez la journaliste Titayna.
Septembre. Ecrit " LIncendie ", poème dédié à Marais. Passage à Dax chez les Capgras.
14 novembre. Première des Parents terribles. Germaine Dermoz a dû remplacer Yvonne de Bray, qui boit. Grand succès.
Mi-décembre. Parents terribles : polémique avec le conseil municipal, manuvré, selon lui, par Bernstein, qui lui écrit le 28 : " Les choses auraient suivi le cours le plus tranquille, si vous maviez fait inviter par M. Capgras la jeunesse des écoles à des matinées spéciales. " J.C. a multiplié les lettres pour se défendre : président de la République, préfet de police, président du conseil municipal et ministre de lÉducation nationale.
1939
3 janvier. Dernière représentation des Parents tembles aux Ambassadeurs. Le 4, la pièce passe aux Bouffes-Parisiens. 2 février. Première visite de Claude Mauriac. Avec R. Lannes, Audiberti, A. de Richaud, projet dune revue de jeunes. " Je vois un titre comme LOfficiel ou Le Journal officiel ( ) Dans la coulisse, des hommes comme Jouhandeau, Montherlant et moi. ". Plus tard, ce sera La Politique des lettres. Le projet tombé, C. Mauriac, qui entreprend un essai sur J.C., ninterrompt pas ses visites.
10 février. Procès de Toulon. J. C. : " Jai eu ma réception à lAcadémie. (Le) réquisitoire fut dune telle gentillesse que lorsque le président donna la parole à MTorrès, mon avocat, celui-ci refusa de parler, disant quil ne saurait ajouter des éloges à ceux dont M. le Procureur avait honoré son client. " J.C. fut toutefois condamné à payer une lourde amende..
8 avril-début mai. Vacances au Piquey avec Marais. Le second Potomak " travaille " J.C. Excursion à Excideuil. Puis le 5 mai à Tulle, ville célèbre pour laffaire des lettres anonymes. Entreprend ensuite La Machine à écrire, qui sen inspire.
26 mai. Visite à Versailles. Réfugié à lhôtel Vatel, J.C. y a rédigé sa pièce " en cinq jours, sans une rature, dun seul mouvement " Projets : un film, Cartouche ; plusieurs romans, selon R. Lannes, dont un " Tristan et Yseult de la pédérastie ".
Eté. La guerre surprend J.C. et Marais à Saint-Tropez, en vacances à " LAïoli " Marais parti, J.C. sinstalle dabord auprès de Chanel à lhôtel Ritz.
Automne. Ecrit Les Monstres sacrés à bord du Scarabée, tout près de la " prima donna " qui créera le rôle : Yvonne de Bray. Donne à LHerbier des dialogues additionnels pour son film La Comédie du bonheur. Prononce un " Discours aux universités américaines ", radiodiffusé au milieu de la nuit.
Décembre. Rejoint Bérard à lhôtel du Beaujolais.
Noël " aux armées ", près de Jean Marais, au milieu des présents offerts par Chanel, marraine de la compagnie.
1940
17 février. Première des Monstres sacrés au théâtre Michel. Les Bouffes-Parisiens prendront la suite avec Le Bel Indifférent et Edith Piaf en lever de rideau.
22 mars. Discours à la Société des gens de lettres pour le centenaire de Mallarmé.
14 avril. Assiste dans la loge dO. Abetz à lIphigénie de Goethe, donnée par le Théâtre de Munich à la Comédie-Française.
Mai. 4 au 7 : portrait dEluard. Le 15, inauguration de lexposition Arno Breker à lOrangerie. Le 23, " Salut à Breker ". Final : " Parce que dans la haute patrie où nous sommes compatriotes, vous me parlez de la France. " Le 27, LÉternel retour à peine achevé, trois films sont à létat de projet.
Juillet-août. Réécriture du film de S. de Poligny, Le Baron fantôme. Septembre. " Mon but de toutes les secondes : être un saint laïc. "
Automne. Tournage du Baron fantôme. Extérieurs : Rauzan (Gironde), puis Senlis et la forêt de Fontainebleau. Studios : Joinville. J.C. interprète le vieux baron fantôme.
Noël. " Selon mon habitude jai passé la nuit de Noël, seul à la maison. Midi. Eté embrasser Colette. Irai voir Maman à quatre heures. "
1943
Lannée des triomphes. 20 janvier. " Maman est morte ( ) Maintenant Maman habite avec moi. " 27 janvier. Grand succès dAntigone à lOpéra. 29 janvier. Théâtre Edouard-VII. Récital de poèmes de J.C. avec Serge Lifar. 11 février. Redécouverte du Sang dun poète. " Quels reliefs ! Quels noirs ! Le film avait vraiment vingt ans. " 15 février. Première visite de Jean Genet, dont on avait lu à J.C., le 6, Le Condamné à mort. 23 mars. Découverte chez J.-M. Sert du Martyre de saint Maurice, point de départ du livre Le Mythe du Greco. 14 avril. Première avec le public de Renaud et Armide à la Comédie Française. " Jai vu cette chose fantastique, une salle comble, debout et criant []. On baissait et relevait le rideau sur ce gouffre dacclamations. "
17 avril. " Presse immonde et idiote. " 20 avril. Départ pour Nice. Pneumonie.
Mai. Tournage de L Eternel Retour aux studios de la Victorine. Juin. Extérieurs à Evian et à Nice. Retour à Paris le 23.
17 juillet. Pendant une alerte, discussions avec Bérard sur une idée de pièce pour
M. Jamois et le théâtre Montparnasse.
21 juillet. Procès de Genet, " le plus grand écrivain de lépoque ". Extraite dune lettre de J.C. et lue au tribunal, " cette phrase a sauvé Genet de la prison perpétuelle "
5 août. Interprète Musset dans La Malibran, film de Sacha Guitry. 27 août : J.C. molesté aux Champs-Elysées par le service dordre de la L.V.F.
14 octobre. L Eternel Retour présenté dans trois salles. Triomphe sans précédent. Scènes démeute durant tout le mois.
17-25 octobre. Lithographies pour Orphée.
9 décembre. Séjour en Bretagne avec Jean Marais et Paul Morihien. dans le manoir de Tal-Moor, " le château du capitaine Fracasse, en moins solide, par Abel Gance "
Nuit de Noël. " Jai fini la pièce " (LAigle à deux têtes). La chronique locale alimente de plaisantes Scènes de la vie bretonne.
1944
Janvier. Le 4, retour à Paris. Souhaite sattaquer au film La Belle et la Bête. Le 15, achève Léone, le grand poème du Palais-Royal et de lOccupation.
31 janvier. Mort de Giraudoux. J.C. Ie dessine sur son lit de mort, et donne de nombreux articles. La dernière phrase de celui de Comdia, " Je ne serai pas long à te rejoindre ", choque les amis de J.C. 26 février. Précédée de messages dalarme prémonitoires, la nouvelle arrive de larrestation de Max Jacob. J.C. prend linitiative des démarches pour le sauver. Une lettre-pétition est remise " au chef qui soccupe des prisons juives "
15 mars. " Max Jacob est mort. " Depuis onze jours.. .
21 mars. Assiste à une messe célébrée à Saint-Roch pour Max Jacob. 12 avril. Refuse la succession de Vaudoyer à la Comédie-Française. " Jaime mieux Fresnes ! "
22 mai. Andromaque, mise en scène, décors et costumes de Jean Marais, qui interprète le rôle dOreste. Enthousiasme du public. Tollé de la critique : " Cest une honte. " (Laubreaux, Philippe Henriot et Marie Bell.)
29 mai. Interdiction de la pièce. Elle déclenche, selon J.C., le débarquement du 6 juin et lexécution dHenriot le 28. " De tels excès précèdent toujours les grandes crises. "
10 juin. Assiste à La Loggia, quai Voltaire, à une conférence de Sartre : " Le style dramatique ". Débat avec J.-L. Barrault, Camus, Salacrou, et S. de Beauvoir quil voit pour la première fois. Juillet. Visite pressante de la sur de J. Desbordes pour sauver son frère. J.C. lui remet une lettre pour O. Abetz. Malaise. Prophéties pessimistes. Silence dans lattente du grand événement. Août. Le 25, assiste avec enthousiasme à la libération de Paris. Le 26, invité à retrouver Hemingway au Ritz. Le 31, premières menaces contre J.C. " Je remettrai mon nom quon cherche à déshonorer entre les mains dEluard et de Sartre. " Début dun long plaidoyer.
Septembre. Le 7, départ de Jean Marais qui sengage dans la division Leclerc. Du 10 au 25, à Fleury-en-Bière, chez Pierre Colle. Novembre. Comparaît devant le Comité dépuration du cinématographe. " On mépure en cinq minutes et je repasse devant les autres, très digne, un lys à la main. " J.C. sera en outre mis " hors de cause " par le Comité des écrivains.
14 décembre. " Vu Maritain. Il me reproche de navoir pas été de la Résistance. "
19 décembre. Alerté par J. Marais, lance un service dentraide en faveur des soldats. Devient le familier de lambassade dAngleterre (Duff Cooper, lady Diana) et redevient celui des Vilmorin.
1945
17 janvier. Pressenti pour être ambassadeur de France à Madrid, refuse à cause de Franco.
25 janvier. Procès Brasillach : " Je signerai parce que jen ai assez quon condamne les écrivains à mort et quon laisse les fournisseurs de larmée allemande tranquilles. "
Mars. De Gaulle " méjugé comme les poètes ". " Chambre de bonne incendiée ", stand de J.C. à lexposition " Le théâtre de la mode ".
18 avril. Gaumont renonce à faire La Belle et la Bête. Vive réaction de J.C. Dernier feuillet du Journal commencé sous lOccupation. Mai. Le 29, gala de la Mer au palais de Chaillot ; allocution de J.C. Entreprend avec Georges Hugnet décrire des poèmes en chants alternés sur les nappes du restaurant Le Catalan.
Juillet. Participe à lhommage rendu à Paul Valéry après sa mort. 26 août. Entame un nouveau journal, celui de son film La Belle et la Bête, dont le tournage commence le lendemain à Rochecorbon. 13 septembre. Retour à Paris. Le tournage se poursuit en studio et près de Senlis (château de Raray).
Octobre. " Ravagé durticaire, de gourme, de maux de toute sorte, je macharne. " Le 23, souffrant de Iymphangite et de furonculose, J.C. doit interrompre le film. Hospitalisation à Pasteur. La Crucifixion avance. J.C. signe un contrat pour ses uvres complètes avec Marguerat.
1er novembre. Retour au Palais-Royal.
6 novembre. Reprise du tournage. Il sachèvera en janvier.
31 décembre. " Les pires querelles intestines valent mieux quune occupation. "
1946
8 février. Théâtre du Gymnase. Reprise des Parents terribles.
13 février. Départ pour Morzine. Il y commence La Difficulté dêtre. Séjour chez les Vilmorin : détente et jeux desprit avec Louise. 25 juin. Création au théâtre des Champs-Elysées du Jeune Homme et la mort, ballet de J.C. avec J. Babilée. Il y emploie avec bonheur " le mystère du synchronisme accidentel ".
9 juillet. Bal au château de Verrières pour les enfants de Roger de Vilmorin (orchestre du " Buf sur le toit "). A lentrée du musée des Plantes et des Légumes, les dames recoivent une rose, les messieurs un épi de blé.
25 juillet. Cure à La Roche-Posay en compagnie de Roger Lannes. Les eaux y coulent "dune source dennui". J.C. dira encore quon tue ici " à petite eau ". Visites : les Vilmorin, Marais, Pierre Benoit, Maurice Garçon. Tourisme : Saint-Savin, Oyré, Chauvigny. J.C. travaille à son Ruy Blas et " en deux jours, écrit un autre Plain-Chant " (" Un ami dort ").
25 août. Retour à Paris et visite de la maison des champs que convoite J. C. " Enfin, il y aura un nouveau Milly dans lhistoire de la poésie française. "
Septembre. Festival de Cannes. La Belle et la Bête, qui nest pas récompensé, obtiendra le prix Louis-Delluc en décembre.
Octobre. Création de LAigle à deux têtes à Bruxelles, puis le 22 décembre à Paris.
1947
Hiver. Achat de la maison du Bailli, à Milly-la-Forêt, en indivis avec Jean Marais.
Avril. Ecrit le premier Impromptu du Palais-Royal, à la manière du Racine des Plaideurs.
Juillet. Dessine et présente la série des " Licornes ". Rencontre, à la librairie de Paul Morihien, Edouard Dermit, mineur et artiste peintre. Il sinstallera à Milly en novembre.
La Difficulté dêtre et La Crucifixion paraissent dans la jeune maison dédition fondée par P. Morihien.
Octobre. Tournage des extérieurs de LAigle à deux têtes à Vizille. Décembre. Ecrit le scénario dOrphée.
1948
Lannée du cinéma.
Février. Sortie de Ruy Blas (de Pierre Sillon) : " le contraire de La Belle et la Bête, de La Voix humaine ( ). Il scandalisa par son westernisme. "
Mars. Assiste le metteur en scène de la pièce de Sartre : Les Mains sales.
Juin. Voyage à Londres pour présenter LAigle deux têtes : " le triomphe du mauvais goût ( ) des souverains ". Juillet. Intervient auprès du président de la République en faveur de Genet, menacé dune nouvelle condamnation, par une lettre cosignée de Sartre.
Eté. Ecrit deux commentaires de films : pour Noces de sable dAndré Swoboda, et pour La Légende de sainte Ursule de Luciano Emmer. 12 septembre. " Quels sont les meilleurs écrivains français actuels ? " a demandé le journal Combat à ses lecteurs. Cocteau, bien perdu pour la littérature, est 17e (93 voix), devançant de peu Prévert et Aragon. En tête, Gide (423). Suite du palmarès : 2e Camus (342), 3e Sartre (324), 4e Malraux (298), 5e Montherlant (290), 6Claudel (256), 7Mauriac (243), 8e Romains (191), 9e Martin du Gard (180), 10e Colette (172).
27 septembre. Réouverture du " Grand Vefour " (Raymond Olivier) présidée par Colette et J.C.
Septembre-octobre. Premier carton de tapisserie, Judith et Holopherne.
Novembre. Sortie du film Les Parents terribles. Très vif succès. " Jai voulu déthéatrer une pièce, la surprendre par un trou de serrure, varier ses angles jusquà en faire un film. "
Fin décembre. Départ pour les Etats-Unis. Le 30, lettre à Jean Marais :
" Avant-hier soir Marlène était venue me voir à lhôtel. Ensuite jai dîné avec Nathalie et Garbo a traversé le restaurant (. . .) . En quelques minutes, jai vu ces trois dames qui représentent toute une époque de ma vie, rue Vignon. Je rencontre Al Brown à Harlem lundi soir. "
1949
1 2 janvier. Incipit de la Lettre aux Américains : " Américains, je vous écris de lavion qui me ramène en France "
1er février. Mort subite de C. Bérard au théâtre Marigny.
Visite de Gide à Milly. Aveu dune jalousie mortelle envers Cocteau. " Après avoir lavé notre linge, nous eûmes toujours des rapports agréables. "
Mars-mai Tournée théâtrale avec Marais et Dermit : Le Caire, Alexandrie, Beyrouth, Istanbul, Ankara. Une semaine de repos à Athènes.
Juin. Participe à la célébration du cinquantenaire du Maxims. Eté. Adapte la pièce de Tennessee Williams Un tramway nommé Désir. Participe au festival de Venise. " Les Italiens mappellent Nostro Cocteau (. . .). Magnani a eu un triomphe dans La Voix humaine. "
Août. Tournage dOrphée. Il sachèvera fin novembre dans les affres dune sciatique.
3 septembre. Chevalier de la Légion dhonneur.
Organise à Biarritz le Festival du film maudit. " Il sagissait de films quune malchance a empêché de prendre contact avec le public. " Fait couronner Le deuil sied à Electre.
Décembre. Tournage du film de J.-P. Melville. " Jestime que le livre des Enfants terribles est passé à travers Melville sans une ombre. "
1950
Mars. Présentation dOrphée à Cannes, hors festival. " Cest un film réaliste, 1er parce que cest mon univers comme Faust est lunivers de Goethe-2e parce que le cinématographe permet de rendre réel lirréel. "
Mai. Premier séjour à la villa " Santo Sospir ", à Saint-Jean-Cap Ferrat. Il entreprend den décorer de fresques les murs. De les tatouer et de leur apprendre, " pour employer un mot quun mur saurait comprendre, à murmurer ".
14 juin. Opéra. Création du ballet Phèdre, décors, costumes et mise en scène de J.C., musique de G. Auric, chorégraphie de S. Lifar. Eté. Voyage en Italie avec Francine Weisweiller et E. Dermit. Festival de Venise : Prix international de la critique à Orphée.
Octobre. Présente le film en Allemagne. Accueil triomphal.
Hiver. Aborde la peinture de chevalet. Bilan : une vingtaine de toiles achevées en six mois.
1951
Janvier-mars. Entretiens radiophoniques avec A. Fraigneau. Ils seront suivis dune autre série : " Entretiens autour du cinématographe ".
Dans son journal, en date du 12 avril 1968, J.-J. Kihm, le biographe de Cocteau, note : " Nous sommes en 1950 et la vie de Cocteau est beaucoup moins "excitante à partir de ce moment. Cette série de succès publics, de réussites, de traits de gloire est morne en diable.-Et puis nous commençons aussi à en avoir assez. " journal, t. III, Autour de Jean Cocteau,
19 février. Mort de Gide. " Le vrai drame de Gide est de nêtre pas poète. Il voulait être larchitecte et le visiteur de son labyrinthe. Il aimait y entraîner les jeunes et sy perdre avec eux, mais il nen quittait jamais le fil. "
Avril. Préside le syndicat des auteurs et compositeurs de musique. Voyage en Italie avec F. Weisweiller et E. Dermit (Rome, Calabre, Sicile).
16 juillet. Premier feuillet du Passé défini, journal entrepris à la demande dE. Dermit. Il le tiendra jusquà sa mort.
Août. Croisière à bord de lOrphée, yacht de F. Weisweiller Entreprend Bacchus, son grand retour au théâtre.
21 octobre. " Fait les maquettes décor et costumes pour Bacchus. (Daprès Holbein et Dürer.) "
23 décembre. Première de Bacchus au théâtre Marigny, alors dirigé par M. Renaud et J.-L. Barrault. " Mauriac quitte sa place furieux pendant que je salue sur scène, mitraillé par les photographes. " Le 29, dans Le Figaro littéraire, " Lettre à Jean Cocteau " ; François Mauriac : " Jétais triste simplement. " Le 30, dans France-Soir,
" Lettre ouverte à François Mauriac. "Je taccuse ". " Javais écrit ma réponse à Mauriac la veille de son article ( ). Répondre " avant " est une excellente méthode. Cela donne de la hauteur. "
1952
Janvier. Défend le Britannicus de Marais à la Comédie-Française. Première exposition de lensemble de luvre picturale à Munich, Haus der Kunst.
Février. Reprise dAntigone à lOpéra. " Le spectacle reste assez dur et noble. "
20 février-fin avril. Santo Sospir. " Le système des nerfs se désaccordait. " Ecrit le Journal dun inconnu, prépare le décor de son nouveau ballet : La Dame à la licorne.
20 mai. dipus Rex au théâtre des Champs-Elysées, dirigé par Stravinsky. Scandale.
" Pourquoi ne pas savancer en scène et dire : "Pauvres imbéciles, restez dans votre crasse. Je vous quitte et vous nentendrez plus parler de moi. Ce serait si simple. "
26 mai. Premier voyage à Vienne. Rencontre Hindemith. Projet doratorio commun : LApocalypse.
Juin. Voyage en Grèce. Croisière sur lOrphée II.
Eté. Relecture critique de Proust. Blâme son " snobisme maladif ", son camouflage sexuel. Le Chiffre sept, poème : un cadeau inattendu. Automne allemand. Grande exposition à Berlin. Voyage à Dusseldorf (pour Bacchus). Visite à Arno Breker, " en quarantaine "
1953
9 février. Une exposition J.C. (peinture, dessins, tapisseries) inaugure la galerie des Ponchettes à Nice.
Mars. Voyage en Italie : Turin, Gênes, Milan, Rome.
Avril. Président du festival de Cannes. " Rien de plus loin de moi quun festival. Jy ai toujours été matraqué par le jury. Mes seuls prix en France furent des prix plébiscitaires, des prix exceptionnels, des prix de la critique, le prix Delluc. "
9 mai. Création de La Dame à la licorne, à Munich. " On me rappelle sans cesse avec des acclamations. "
27 mai. Exposition Picasso à Rome. Conférence de J.C. : " Picasso et ses amis ".
4 juin. " Hier jai demandé quon me coupe les cheveux très court afin de ne plus ressembler à lhomme que mes photographies répandent. "
Juillet. Premier voyage en Espagne : Barcelone, Madrid, Tolède, Malaga, Grenade, Gibraltar, Séville. " Pas vu tous les artistes que je désirais voir []. Vu les lieux que je voulais voir (sauf Cadix et Cordoue). Et vu vite, ce qui, contrairement à ce quon pense, est la bonne manière de voir. ".
Septembre. Premier classement des poèmes de Clair-Obscur, " une insulte anarchique et aristocratique à mon époque "
18 décembre. " Vie infernale. Impossible décrire. Comment les Parisiens font-ils ? "
1954
Lannée de la chaise-longue.
Hiver. Kitzbuhel. " Je croyais ferme à ce mythe de la montagne salubre. En vérité K. est un adorable village très humide et très dangereux dès que le soleil se cache. "
Mars. Festival de Cannes, " ligoté dans des kilomètres de pellicule "
Mai. Feria de Séville : La Corrida du 1er mai en sortira. Le torero Damaso Gomez fait lhommage dun de ses taureaux à J.C.
10 juin. Infarctus du myocarde.
Eté. Convalescence à Santo Sospir. Peinture.
Toussaint. Se passionne pour les mystères de la technique du pastel. La série " Les astrologues " en est le chef-duvre.
1955
Lannée des deux fauteuils.
Janvier. Le 7, candidat pour la première fois à lAcadémie française au fauteuil de Jérôme Tharaud. En 1949 il avait refusé de siéger à lacadémie Goncourt. Le 10, est élu au fauteuil de Colette et dAnna de Noailles à lAcadémie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
Février. Exposition de pastels à la galerie Lucie Weill, rue Bonaparte. Saint-Moritz : promenades en traîneau avec F. Weisweiller. 3 mars. Elu au premier tour de scrutin à lAcadémie française (18 voix contre 11 à Jérôme Carcopino). Ses parrains seront Pierre Benoit et Jacques de Lacretelle. F. Mauriac : " La libellule dont les ailes vibraient depuis près dun demi-siècle [] se pose enfin sur le dossier dun de nos quarante fauteuils. " 20 mars. Citoyen dhonneur de Milly-la-Forêt.
Avril. Santo Sospir. " Noyé dans une mer effrayante de notes, de paperasses, didées confuses, destinées à devenir un discours. Je me demande si jarriverai au bout de cette entreprise académique. "
Mai. Rome, exposition qui " tourne à lémeute ( ) Le pape est un très grand acteur. "
Eté. Saint-Moritz et Santo Sospir.
1er octobre. Réception à lAcadémie royale de Belgique : " Jeune, Jai passé bien des soirs au chevet de lune, et moins jeune au chevet de lautre ( ). Ce fauteuil est en quelque sorte un fauteuil de famille. " Réponse de Fernand Desonay.
18 octobre. Emission de Pierre Lhoste, " Le dernier quart dheure ? ". " Je lemploierai à ce que les personnes qui maiment ne se doutent pas quelles vont me perdre. " 20 octobre. Réception à lAcadémie française en présence du poète canonisé par Jean-Paul Sartre.
" A un apatride vous procurez des papiers didentité, à un vagabond une halte, à un fantôme un contour, à un inculte le paravent du dictionnaire, un fauteuil à une fatigue, à une main que tout désarme une épée. " Réponse dAndré Maurois.
2 décembre. Prononce l" Adieu à Honegger " au monument crématoire du Père-Lachaise.
1956
Février. Séjour à Saint-Moritz qui prend figure de pèlerinage nietzschéen.
Mars. Accepte que la Comédie-Française remonte La Machine à écrire, mais dans la version écrite à Perpignan, jamais jouée.
Printemps. Entreprend à Villefranche la décoration murale de la chapelle Saint-Pierre, " que je prenais pour une vieille clocharde endormie sous les filets de pêche et qui, au déblayage, se montre une ravissante jeune personne romane ".
Voyage à Londres et Oxford. Après Gide et Mauriac, J. C. est fait, le 12 juin, docteur
" honoris causa " de luniversité. Il prononce le 14 son Discours dOxford sur le thème : " Poésie et invisibilité ". Juillet. Baalbek. La Machine infernale avec Jeanne Moreau dans I" étrange splendeur " du " théâtre-temple "
Salue la mémoire de Mistinguett dans " Adieu à une étoile " et la loue davoir appartenu à la " race animale " qui murmure : " Je ne pense pas donc je suis "
1957
Hiver. " Enfermé dans la chapelle de Villefranche comme un pharaon qui peindrait son propre sarcophage. "
Mars. Nommé membre honoraire du National Institute of Arts and Letters of New York.
Printemps-été. Sinitie à la poterie à latelier Madeline-Jolly de Villefranche. Entreprend la décoration de la salle des mariages de la mairie de Menton. " La salle de Menton ma comme ligoté dans un incroyable méandre de lignes. " Assiste à des corridas à Arles-et à Nîmes avec Picasso et Coco Chanel. " Cordobès me dédia une bête terrifiante qui sautait par-dessus les barrières. "
3 août. Consécration par lévêque de Nice de la chapelle Saint Pierre. " Je m étais en quelque sorte métamorphosé en chapelle ( ). Le Christ dabord invisible par la perspective dune courbe de labside apparaît au fur et à mesure que lil sapproche de lautel. "
1er octobre. Citoyen dhonneur de Villefranche.
Automne. Explore de nouvelles voies poétiques : Paraprosodies. " Il me faut en cachette travailler sur deux ou trois poèmes dune rigueur incroyable où je tâche de transmuter les chiffres en nombres. "
1958
13 janvier. Mort de sa sur Marthe.
Obstacles financiers devant le projet du Testament dOrphée. " Le veau dor est toujours de boue. " Comment " retaper les ruines " du dernier rêve ?
Avril. Assiste à une corrida à Arles avec Picasso et Buffet, espérant vainement une conjonction des deux peintres. " Entre autres ridicules il arrive à lactualité dopposer laube froide de Buffet au tropical coucher de soleil de Picasso. "
Mai. Achève Hommage aux savants et La Conquête de linconnu, deux panneaux pour lexposition " Terre et cosmos " de juin à Paris, sur les berges de la Seine. " Un tableau noir, surveillé par des gardes dApocalypse, rend hommage à Sir Isaac Newton, à Einstein et à Copernic, son brin de muguet entre les doigts. " Juillet. Villefranche. Première exposition de poteries (la seconde en novembre à Paris). Péface Le Gorille chez les parents terribles, roman policier dA. Dominique.
Vienne. dipus Rex, dirigé par H. von Karajan. J.C. interprète le rôle du chur.
Venise. Pèlerinage sur la tombe de Diaghilev. Stage parmi les verriers de Murano.
Août. Valberg. Il y rédige les deux discours de Bruxelles.
Septembre. Exposition de Bruxelles, " une vieille cité futuriste découverte en Italie par les archéologues ". Le 19,.. "Discours sur la poésie ". Le 20, " Les armes secrètes de la France ", prononcé devant la reine Elisabeth. " Des haut-parleurs répandaient mes paroles sur une foule innombrable massée sur des passerelles, des échelles, des escaliers roulants, des sièges aériens, des esplanades, des montagnes russes. "
1959
Lannée des deux testaments.
Hiver. Mise en scène de lopéra de F. Poulenc La Voix humaine. Hémoptysie. Fait la planche sur le fleuve des morts : Le Requiem, premier testament poétique.
Printemps. Milly. Premiers échafaudages. " Je crois être arrivé ce soir à ce que cette petite chapelle lépreuse lévite et se tienne suspendue en lair. Mais reste à la peindre ".
Eté. Décore Saint-Blaise-des-Simples : achève en cinq jours le travail de cinq mois.
Juillet. Soixante-dixième anniversaire, le 5, aux arènes dArles (Dominguin). A Spolète, création du Poète et sa muse, ballet de J.C., musique de G.-C. Menotti.
Septembre-novembre. Tournage du " dernier poème visuel ",
Le Testament dOrphée, des Baux-de-Provence à Paris, " avec lespoir datteindre en ce triste monde quelques âmes fraternelles "
4 novembre. Londres. dipus Rex dirigé par Stravinsky. J.C. reprend le rôle du chur. Décore la chapelle Notre-Dame-de-France. En bas, au premier plan, devant le personnage de Jean lévangéliste, apparaît le buste de lauteur.
1960
Printemps. Inauguration de deux chapelles : Milly, le 23 avril, Londres, le 6 mai.
Eté. Elu " prince des poètes " le 27 juin, pour succéder à Paul Fort, après un bref interrègne de Supervielle. Breton et Paulhan contestent lélection. Elu à son tour, Saint-John Perse se dérobe. Le 20 octobre, Aragon confirme bruyamment J.C. dans le titre.
Automne. Varsovie, Quinzaine française. Présente Le Testament dOrphée. Cadix, discours douverture à luniversité. Entreprend le Cérémonial espagnol du phénix.
Musée des Beaux-Arts de Nancy : grande exposition de lensemble de luvre graphique et peint.
1961
Hiver. J. Delannoy réalise La Princesse de Clèves, sur un scénario écrit par J.C. en 1944.
Entreprend la série des Innamorati, dessins aux crayons de couleurs. Ier mars. Commandeur de la Légion dhonneur. Voir le mot de Satie cité par J.C. : " Ravel refuse la Légion dhonneur mais son uvre laccepte. "
Printemps-été. Deux séjours à Marbella : peinture (pour le village andalou des artistes, à la gloire du flamenco ; sur des galets quil transfigure en visages humains) et écriture : Le Cordon ombilical, souvenirs sur ses personnages, son dernier livre. " Une pièce accusatrice " de plus dans le procès quon lui intente pour " crime dinnocence ".
3 décembre. Mort de Paul Cocteau. " Père, mère, sur, frère- Je reste seul et ce sera mon tour. "
1962
Mars. Surveille les répétitions de LImpromptu du Palais-Royal, que la Comédie-Française créera en mai, à Tokyo, tandis quune grande exposition Cocteau y sera organisée.
Juin. Accorde un long entretien à lécrivain américain W. Fifield. Eté. Malgré les ennuis de santé (" Jenregistre tous les miasmes de lépoque "), déborde dactivité. Metz : douze vitraux, décors et costumes de Pelléas et Mélisande, reprise de Renaud et Armide. Bruxelles : discours en hommage à Maeterlinck. Vevey : lecteur dans Histoire du soldat, enregistrement avec Markevitch. Studios de la Victorine : L Age du Verseau, fresque avec Moretti.
Menton : une mosaïque de galets. Cap-dAil : théâtre en plein air. Fréjus : une nouvelle chapelle à concevoir. Corrige les épreuves de ses deux livres dadieu : Le Requiem et Le Cordon ombilical.
25 décembre. " Je voudrais quun jour tu me fasses signe et que nous puissions parler mieux quentre les portes de lInstitut. Me feras-tu cette joie ? Je te le répète : mon amitié ne se couvre plus daucun nuage et il mest indispensable de tuer en moi les derniers miasmes dorgueil. " (Lettre de J.C. à F. Mauriac.)
1963
Janvier. Nouveau deuil cruel : Francis Poulenc.
Février. Neige à Auron. " Terrible déception morale ( ) Imagine ce que sera le déménagement de Santo Sospir. " Séjournant en France, Arno Breker fait le buste de J.C. et celui de J. Marais.
Avril. Portrait-souvenir pour la télévision. Il sera diffusé en janvier 1964. Le 22, nouvelle crise cardiaque. Convalescence à Marnesla-Coquette, chez J. Marais, sa dernière villégiature.
5 juillet. Le jour de ses soixante-quatorze ans, retour définitif à Milly.
Septembre. " Jaime bien les plans de la maison de Fréjus. Elle se construira pendant que jhabite lautre. Jestime que je dois changer dair et ensuite aller à la neige. " (Dernière lettre à J. Marais)
11 octobre. Midi : apprend la mort dEdith Piaf par le téléphone. Etouffements... "Cest le bateau qui achève de couler, vous ne pouvez plus rien pour moi. Je sens la mort venir. " 13 heures : meurt entouré de son fils Edouard Dermit et du médecin de Milly. On lembaume le 12.
Montherlant : " Son étoile fameuse est montée rejoindre les autres étoiles qui lattendaient fraternellement. "
16 octobre. Obsèques à Milly. Discours dAndré Chamson. Inhumation à Saint-Blaise-hors-les-murs.
Le 24 avril 1964, transfert à lintérieur de la chapelle.
" Je reste avec vous. "
Introduction à la poésie graphique
et extraits de textes de Jean Cocteau
Pierre Chanel in Jean Cocteau Poésie graphique (Jacques Damase éditeur)
Les poètes ne dessinent pas. Ils dénouent lécriture et la renouent ensuite autrement. Cest ainsi quen 1924, dans la dédicace à Picasso de son album Dessins, Jean Cocteau marque le caractère essentiellement linéaire de sa poésie graphique qui na recours ni au clair-obscur, ni à la tache (comme celle dHugo), et sexprime complètement par la pureté du trait, la justesse du cerne.
Au cours des années, Cocteau élaborera une théorie de la ligne.
En 1929, dans la préface de 25 dessins dun dormeur, il prône une manière dautomatisme qui libère les forces créatrices profondes :
"Pour tracer une ligne vivante et ne pas trembler de la savoir en danger de mort sur tous les points de sa route, il me faut dormir dune sorte de sommeil, laisser descendre sans réserve les sources de ma vie dans ma main, et que cette main finisse par travailler seule, par voler en rêve, par se mouvoir sans se soucier de moi."
En l941, dans la préface (quil faut citer intégralement) de son exposition à la galerie Louis Carre, il perçoit quune esthétique ne peut garantir une ligne vivante quen procédant dune éthique individuelle.
"Pour être vivant, un dessin ne doit pas seulement représenter dans son total une chose vivante, il faut encore que la ligne qui le représente vive dune vie propre sur les moindres points de son parcours. Cest pourquoi une ligne peut vivre ou être morte sans représenter quoi que ce soit."
"La véritable difficulté consistera donc à employer une ligne vivante pour représenter une forme vivante et cela sans le secours daucune déformation esthétique (stylisation)".
"Le style, à lencontre de la stylisation, sera le reflet de lâme du dessinateur et non de son esprit. La déformation sera involontaire et loriginalité du dessin viendra de limpossibilité profonde où lartiste se trouve de copier ce quil voit, bien quil sefforce à la ressemblance parfaite."
Le beau dessin sera le dessin qui échappe au vulgaire, tout en le séduisant, parce quil flatte ce goût de reconnaître, propre à lhomme qui naime que les miroirs.
"Un dessin doit davantage renseigner le spectateur sur lâme du dessinateur que sur son talent."
"Un effort vers la platitude qui aboutit au relief, cest le véritable tour de force."
"Pour lutter contre lart qui nous éloigne de nous-mêmes et dune époque tumultueuse, nest-il pas bon de se mettre au régime très modeste de la copie et de limiter, par exemple, lobjet de cette copie à la main qui ne dessine pas ?"
En 1947, dans le chapitre de La Difficulté dêtre précisément intitulé De la ligne, Cocteau effectue la synthèse qui réunit la ligne du dessinateur et celle de lécrivain en une seule ligne morale :
"Quest-ce que la ligne ? Cest la vie. Une ligne doit vivre sur chaque point de son parcours de telle sorte que la présence de lartiste simpose davantage que celle du modèle. La foule juge daprès la ligne du modèle sans comprendre quelle peut disparaître au bénéfice de celle du peintre, pourvu que sa ligne vive dune vie propre. Par ligne jentends la permanence de la personnalité. ( )"
"Chez lécrivain, la ligne prime le fond et la forme. Elle traverse les mots quil assemble. Elle fait une note continue que ne perçoivent ni loreille ni lil. Elle est le style de lâme, en quelque sorte, et si cette ligne cesse de vivre en soi, si elle ne dessine quune arabesque, lâme est absente et lécrit mort. Cest pourquoi je répète incessamment que le progrès moral dun artiste est le seul qui vaille puisque cette ligne se débande dès que lâme baisse son Feu. Ne confondez pas progrès moral et morale. Le progrès moral ne consistant quà se roidir."
Linterdépendance de luvre écrite et de luvre dessinée de Cocteau commande leur évolution commune.
Les Dessins de lalbum de 1924, exécutés pour la plupart au Lavandou et à Pramousquier auprès de Radiguet durant lété de 1922, reflètent le classicisme contemporain dAntigone, de Plain-Chant, et de Thomas limposteur. Leur vivacité et leur concision réalisent cet équilibre que réclame lauteur du Secret professionnel (1922) : Le vrai écrivain est celui qui écrit mince, musclé. Le reste est graisse ou maigreurs.
La mort de Radiguet, en décembre 1923, aborde Cocteau dans un désarroi quil essayera de surmonter par lusage de lopium. "Cest un régulateur des nerfs. Il ajoute ce qui manque. Il attache du liège aux uns et plombe les autres. Il me plombait. Ce scaphandre mempêchait de flotter à la dérive et me donnait un sens positif . Je regrette que notre machine trop faible supporte mal un tel perfectionnement".
Au cours de ses deux premières cures de désintoxication, il exécute, en 1925, les dessins de Maison de santé et, en 1928-1929, ceux dOpium.
" Je laisse au dessin la besogne dexprimer les tortures que limpuissance médicale inflige à ceux qui chassent un remède en train de devenir un despote". Il qualifie ces dessins violemment expressionnistes de cris de souffrance au ralenti. Beaucoup dentre eux sont aussi des équivalents graphiques des modifications de la perception provoquées par l0pium. Le fumeur fait corps avec les objets qui lenvironnent. Sa cigarette, un doigt tombent de sa main. Cest ainsi quune série de personnages fantastiques naissent dune combinaison de cônes dérivés de la forme de la pipe du fumeur d0pium.
La drogue apparaît à Cocteau comme un moyen dapproche du mystère, de linvisible, de lau-delà où règne Radiguet métamorphosé, sous le nom de lange Heurtebise, en héros transcendant dune mythologie personnelle. Celle-ci achève de sorganiser en 1925-1927 lorsque Cocteau compose les poèmes dOpéra. Outre Heurtebise, deux figures tragiques élues dans la mythologie grecque la dominent : Orphée, le poète qui traque linconnu et pénètre dans le domaine de la mort, dipe dont laventure illustre la grande énigme du destin fatal et du libre-arbitre. Le dessin aussi bien que lécriture, assurera la mise en uvre de cette mythologie personnelle dont Opéra rassemble les signes emblèmatiques, anges, dormeurs, marins, statues vivantes, étoiles.
Avec ce recueil, Cocteau séloigne du classicisme. Cest moins la Grèce de Sophocle qui inspire lhellénisme magique et onirique dOpéra que la Grèce " métaphysique " de Giorgio de Chirico.
"Je me demande si Chirico ne me soufflait pas pendant que j inventais à Villefranche-sur- Mer le ton des poèmes qui composent le Musée secret dOpéra." Le poète dans les deux études quil consacre à Chirico Le Mystère laïc (1928) et Essai de critique indirecte (1932) salue en lui un Peintre du mystère. Il substitue aux portraits de miracles, par quoi les primitifs nous étonnent, des miracles qui ne relèvent que de lui. ( ) Chirico est, en somme, un peintre religieux sans la foi. Un peintre du mystère laïc.
Ce " mystère laïc ", Cocteau essaye de lexprimer dans les objets quil réalise pendant lété de 1926, à lhôtel Welcome de Villefranche-sur-Mer, et quil expose à Paris à la galerie des Quatre Chemins en décembre de la même année. Ce prolongement plastique aux poèmes dOpéra et la pièce Orphée (1926) constitue une première tentative de franchir les limites du domaine graphique. "Jai toujours envié les gens qui travaillent avec leurs mains. ( ) Je me suis mis à fabriquer des objets avec ce quon achète au bureau de tabac den face, de la colle et des boîtes." Il écrit à sa mère : "Du matin au soir et du soir au matin, je colle, je découpe, je brosse, jécrase des pastels, je fais fondre du brou de noix, je mélange du rouge à lèvres et de la cire à cacheter, etc." Le catalogue de lexposition révèle dautres matériaux inattendus : punaises, épingles à cheveux, bougie, allumettes, morceaux de sucre, étoiles en vermicelle. Lhumour et le jeu président sans doute à leur rencontre, mais les poètes ne peuvent plus jouer, constate Cocteau, la mort et le mystère se mettant aussitôt de la partiel Cest peut-être le titre dun poème dOpéra. : Cocasseries tragiques du sommeil qui résume le mieux lambiguïté de ces objets poétiques dans lesquels le funeste et le drôle se mêlent à lirrationnel du rêve.
A la même époque, Cocteau construit des têtes et des personnages qui projettent son graphisme dans les trois dimensions. "En réalité, je ne sculpte pas. Plutôt je cherche à dessiner dans lespace avec le laiton neigeux des débourre-pipe. "
Ces pseudo-sculptures - " mobiles déjà - tournent en déformant leurs ombres portées. Deux dentre elles figurent dans le film le Sang dun poète.
Les recherches de Cocteau sont souvent proches de celles des surréalistes quoiquil se soit-et quils laient - toujours tenu à lécart de leur groupe. Aussi bien Apollinaire avait créé le mot " surréalisme " à propos du ballet Parade . De lexploration par le poète des domaines de la nuit intérieure et du mystère résultent maints dessins, et spécialement ceux de lexposition de fëvrier-mars 1937 sur le thème : mandragores et mains chevalines. "Les dessins que jexpose à la galerie les Quatre Chemins ont été faits cet été à Fourques, où je voyais des lézards verts plus rapides que la foudre, des chevaux de campagne gesticulant comme une belle main, et en pensant aux mandragores que les indigènes élèvent dans une île proche de Singapour." Les métaphores graphiques engendrent des hybrides fantastiques. Des ténèbres que le poète cultive et qui lui valent une longue angoisse dont nul ne se doute, viennent au monde des mandragores, des plantes et des bêtes qui chevauchent les limites de lhumain et de linhumain, des racines qui se nourrissent de sa substance, le dévorent et souvent, hélas, ne servent quà divertir le regard inattentif du spectateurs.
Cocteau dessinateur, transcripteur exact de sa mythologie, est aussi lidéal illustrateur de ses livres. Roger Lannes, le premier biographe du poète, reconnaissait le bénéfice pour luvre de ce singulier alliage de la représentation visuelle et de la conception mentale, conjoignant deux façons de faire état de la même disposition lyrique. Le mérite des illustrations de Cocteau réside dans la distance qui sépare le dessin du texte en évitant tout risque de pléonasme. Dans les illustrations du Grand Écart (1926), de Thomas limposteur (1927), des Enfants terribles (1935), lextrême économie avec laquelle les fictions sont figurées laisse libre cours à limagination du lecteur. Les illustrations du Livre blanc (1930) séloignent des péripéties du récit pour tendre à une sorte de surréalité érotique. Les Dessins en marge du texte des Chevaliers de la Table ronde (1941) débordent lillustration et développent des variations sur les thèmes de la mythologie médiévale que la pièce instaure. Dans Orphée (1944), un contrepoint sétablit entre le texte qui actualise le mythe et les lithographies qui le resituent dans lAntiquité. ( )
Le graphisme de Cocteau névolue quinsensiblement. Dans les années 20, le trait présente dabord ce léger tremblement défini par Paul Fierens à propos de Dessins : (Cocteau) rêve en même temps quil voit, flottant entre la conscience claire et linconscience. (..) De là ce tremblé de la main, de la ligne . Il semble, très curieusement, quà chaque pas léquilibriste hésite et que sa marche, sa démarche, dun bout à lautre du parcours, soit parfaitement assurées.
Dans les années 30, le trait saffermit, puis sémancipe jusquà retrouver la liberté et la rapidité de lesquisse dans Portraits-Souvenir et dans les illustrations des Enfants terribles ou des Chevaliers de la Table ronde. Exceptionnellement, et comme pour se prémunir contre les facilités dune manière trop cursive, Cocteau sapplique alors, dans un certain nombre de dessins, à rendre minutieusement le modelé.
Vers 1944, la sûreté, la vigueur et laisance auxquelles atteint le dessinateur témoignent dune maîtrise qui donne lieu à trois réussites majeures : le portrait de Colette, dune acuité digne de Lautrec, les lithographies dOrphée et les dessins sur le thème de la licorne (1947), où triomphe le mouvement lyrique de la ligne. Le traitement déjà pictural du portrait de Colette et de plusieurs lithographies dOrphée annonce les prochaines expériences plastiques.
Les mythes classiques dans luvre de Jean Cocteau
Geneviève Albrechtskirchinger in Jean Cocteau et ses amis artistes (Musée dIxelles)
Comme lécrivit Milorad : Cocteau est probablement lun des plus grands mythographes quait porté la terre, si par mythographe on entend : celui qui écrit des mythes.
La mythologie exerça sur Cocteau une fascination fondamentale, au point de faire de lui lécrivain, le poète et le peintre de notre siècle pour lequel les mythes ont été la principale source dinspiration. Une majorité de ses uvres reflète cette inspiration, comme en témoignent les fresques de Villefranche (chapelle Saint-Pierre) et de Menton (Salle des Mariages de la mairie) ou des uvres théâtrales comme Antigone, dipus Rex et Orphée.
Grâ à cette créativité, les mythes classiques dEurope connurent une importante actualisation, et recouvrèrent un nouvel éclat, même quand les rapprochements faits par lartiste étaient assurément personnels. En effet, lintérét de Cocteau pour les mythes ne résultait pas seulement dune préférence intellectuelle, mais était pour lui, au travers de rapprochements très réels et existentiels, un moyen substantiel didentification personnelle.
A lâge de neuf ans - encore trop jeune pour être véritablement déstabilisé, mais déjà trop âgé pour ne pas être marqué à vie, Cocteau fut victime dun choc profond qui devait ébranler son équilibre mental : le suicide de son père. Selon la propre conviction de Jean Cocteau, cet événement constitua pour lui, que ce soit sur le plan personnel ou artistique, lexpérience clé de sa vie. Tout pour lui était lié à traumatisme. Dans la vie du jeune Jean, la place du père, disparu trop tôt, fut occupée au fur et à mesure par sa mère qui était une femme aussi intelligente et séduisante que possessive. Cocteau finit par voir son père uniquement à travers sa mère. Bien quidolâtrée par son fils, elle apparaît dans son uvre comme le symbole peu flatteur de la femme telle quil la concevait : lomnipotente génitrix castratri, qui, à limage dun insecte, dévore lhomme pendant lacte sexuel.
Sa vie durant, Cocteau eut à lutter dans son conscient contre son subconscient sans jamais trouver de solution à ce dilemme. Cette lutte lui fournit cependant le sujet de nombre de ses uvres qui sont imprégnées par la recherche dune identité psychique et sexuelle. Cest dans cette lutte quil faut chercher lorigine de la mythologie que cet artiste sensible faisait naître peu à peu, et sans laquelle il est impossible de comprendre lensemble de ses créations. Cette mythologie originale créée par Cocteau est une symbiose de représentations classiques et dinterprétations freudiennes, auxquelles sajoutent dimportants éléments judéo-chrétiens. Le mythe personnel selon largumentation de Freud, cest-à-dire la période amnésique précèdant notre mémoire vécue, et les légendes grecques, devinrent pour lhomme comme pour lartiste Jean Cocteau la clé par excellence.Ce sont en premier lieu les grandes légendes classiques qui lui fournissaient, grâce à leur éloquence, le cadre ainsi que les moyens dexpression lui permettant de dévoiler ses propres ténèbres. La sagesse de ces mythes, leur capacité de nous parler des sujets essentiels de la vie humaine sur un ton à la fois simple et saisissant, attiraient Cocteau de façon magique. Cest ainsi quil exprimait souvent les limites de la faculté cognitive de lhomme, et le passage du conscient à linconscient, à laide de lénigmatique sphinx de Thèbes. Moitié lion, moitié femme et parée dailes daigle, la soeur du chien-gardien de lenfer Kerberos, se précipita dans la mort, après que son énigme eut été résolue par dipe, comme lé représenta lami de Cocteau, Christian Bérard. Mais, dipe, évidemment impressionné et persuadé davoir triomphé de lénigme, ne succomba quà un paralogisme. Dans luvre de Cocteau, le sphinx représente cet énigmatique destin, symbolise le chagrin et la peine dont la signification profonde restera à jamais impénétrable aux humains. Cocteau lapprit lui-même lors de la disparition de nombreux amis comme Raymond Radiguet. Marcel Khill. Jean Desbordes ou Max Jacob. Uniquement lartiste dans lhomme. Lartiste avec ses yeux artificiels est capable de laisser derrière lui lénigme du terrifiant savoir du sphinx. est capable de se soustraire aux souffrances de ce monde grâce à sa vision particulière : le sphinx au tronc féminin agite lentement ses longues ailes de plumes blanches et glisse le long dun mur à pic sur le paysage du Val dEnfer. Le poète le dépasse sans que ses yeux artificiels puissent le voir.
Les personnages légendaires ddipe et dOrphée personnifient de façon exemplaire lexistence humaine dans luvre de Cocteau. dipe, roi de Thèbes, avait, en dehors de toute connaissance des faits et des liens parentaux qui lunissaient à eux, épousé sa mère Jocaste après avoir assommé son père, le roi Laios. Cocteau fit du lieu de lacte décisif, symboliquement situé à un carrefour, le sujet dune uvre étroitement liée à son propre
destin : Le carrefour des trois routes exécuté comme étude dun rideau pour loratorio dipus Rex dlgor Stravinsky (première représentation concertante en 1927 puis scénique en 1928).
Cocteau sidentifia lui-même largement avec le héros. comme il assimila sa mère à Jocaste. Nayant jamais éprouvé plus que lamour-haine pour son père, il nourrissait par contre pour sa mère des sentiments quasi incestueux et était constamment hanté par la jalousie. Après sa mort en 1943, il écrivit : " Voilà qui est fait. Le cimetière était la seule chose atroce. Mais cela compte peu. Maman circule enfin librement et ne me quitte plus." Dans la Machine infernale (1934) Cocteau avoua son incapacité den finir avec ce complexe. Peut-être aurait-il pu sen libérer, si sa profonde passion pour Nathalie Paley ne sétait pas terminée dune manière aussi douloureuse. Jamais il ne put, lui qui aurait tellement voulu devenir père, surmonter la plaie que lui infligea lavortement de Nathalie. Comme dipe, il se considérait comme une victime de circonstances, auxquelles le commun des mortels ne pouvait que se soumettre sans conditions ; " Les dieux existent : cest le diable." Toutefois pour lartiste Cocteau, se résigner ne signifiait point battre en retraite, bien au contraire. En acceptant son destin il laffronta, et transforma cette obsession en source de créativité sur les plans littéraire et plastique. Cette force créative de Cocteau remplissait dailleurs une fonction fondamentale et avait un but très précis pour Cocteau luvre créatrice, artistique et poétique, remplace la virilité perdue par la castration dipienne, ce qui peut être démontré par le tableau dipe et ses filles ou le Complexe ddipe. dipe, debout, tourne ses yeux crevés par la broche dor de Jocaste vers le ciel. Les yeux crevés représentent ici lautocastration, châtiment devant servir à purger le meurtre du père haï ainsi que le penchant interdit pour la mère. Dans la partie inférieure du tableau sont représentées les deux filles ddipe, Antigone et Ismène, fruits de lamour interdit ; avec le pied du roi, elles échappent à la robe royale. Cette représentation est sans équivoque, car laccentuation est portée sur lorteil, symbole phallique dans liconographie antique. Le personnage dAntigone avait pour Cocteau une importance toute particulière. Etant encore enfant, il avait fait connaissance de la tragédie de Sophocle, qui lui fournit le sujet de sa première pièce théâtrale basée sur la mythologie antique. La signification et la situation exactes dAntigone dans luvre de Cocteau, restent quelque peu ambiguës. Dune part, elle est la fidèle et chaste fille du roi qui a su conserver malgré sa Naissance maculée, sa pureté, et qui a accompagné son père dans lexil ; elle nest donc aucunement en opposition avec son géniteur. Néanmoins, lAntigone de Cocteau, en se rebellant contre son oncle Créon, chef de la famille et en quelque sorte " Ubervater ", se soulève contre tout ce quil représente en tant que tel : linjustice et la tyrannie des conventions auxquelles Antigone oppose le droit naturel. Elle payera son opposition de sa vie, mais en mourant avec courage et dignité, elle mourra libre. Créon par contre payera cher le suicide dAntigone, provoqué par son attitude, en perdant ses fils ; ce dernier aspect de la légende peut être interprété comme une expression de langoisse de castration de Jean Cocteau.
Lune des plus belles uvres plastiques de Cocteau, la tapisserie Judith et Holopherne, sinsère dans la même thématique. Que le sujet de cette uvre ait été extrait de la Bible ne change rien au fait. Comme cela aurait été le cas pour un thème puisé dans la mythologie païenne, Cocteau se sert de cette histoire biblique pour exprimer ses angoisses et les reproches faits à la société. A travers Judith, Cocteau sidentifie à sa mère qui, en décapitant Holopherne, se libère en fait du " père ". La Judith de Cocteau est une démonstration du pouvoir de la femme sur lhomme, affirmation soulignée par le geste de Judith tenant la tête de sa victime devant son sein. Toutefois dans ce cas précis, la " castration du père " ne reste pas sans expiation : ici la castratrice a signé son arrêt de mort. Cocteau nous présente la meurtrière sous la forme dune momie, que lon dirait ensevelie dans un sarcophage, toute enveloppée dun linceul, et de bandelettes. Le deuxième des grands mythes grecs qui a continuellement inspiré Cocteau était celui dOrphée, fils du roi thrace Oiagros et de la muse Kalliope : Toujours cet dipe, toujours cet Orphée.
Dans son dernier film, Le Testament dOrphée, Cocteau sidentifia totalement avec le chanteur légendaire, au point quOrphée napparaît que dans le titre, le testament étant en fait celui de Cocteau. QuOrphée, qui émerveillait son entourage par ses dons de poète et de chanteur, soit apparu à un talent aussi riche que Cocteau, comme un modèle idéal, se comprend. Mais il paraît évident que lartiste ait été au moins autant fasciné par le rôle de médiateur assumé par Orphée, entre le monde des vivants et celui des morts. Comme dans le cas de la légende du roi dipe, Jean Cocteau eut recours à celle dOrphée pour sexpliquer au sujet de son mythe personnel, dominé par le conflit avec le père distant. Alors quil utilisait le mythe ddipe pour souligner laspect sexuel de leurs relations troublées, il se servait du mythe orphique pour traduire le sentiment damour-haine.
Cest par des détours que Cocteau découvrit Orphée et initialement la Religion et les sentiments religieux qui ont joué un rôle important. " Un prêtre ma frappé du même choc que Stravinsky et Picasso " dit-il après avoir rencontré le père Charles, un missionnaire, chez son ami Jacques Maritain dans les années vingt. Cette rencontre eut lieu après la mort de son ami Radiguet. Quoique plus jeune de quelques années que Cocteau, Radiguet avait toujours été pour lui grâce à son hétérosexualité une sorte de figure paternelle. Déjà avant la mort de son ami, Cocteau avait eu des idées concernant une adaptation du sujet orphique, mais il a fallu cette disparition pour quelles prirent leur orientation mystique. Dans cette réadaptation personnelle du mythe classique, Cocteau assimila des motifs antiques et chrétiens. Plus dune fois, Cocteau avait fait remarquer lidentité de ses initiales avec celles de Jésus-Christ et dans le recueil de poèmes La Crucifixion, il alla même jusquà comparer leurs destins. Le mystère de la naissance du Sauveur et le personnage de la Vierge loccupèrent à maintes reprises, et Cocteau envisageait dabord de glisser ses idées dans une pièce théâtrale intitulée Le Mystère de de la naissance du Seigneur. Mais finalement, ce ne fut que lidée générale de la si inexplicable naissance de lEnfant divin- dun père surnaturel et non saisissable que Cocteau retint. Dans ses entretiens avec André Fraigneau il lui confia : " La première idée dOrphée était un acte sur la naissance du Christ, et lAnge apparaissait sous la forme de Joseph " ( le père étranger à lengendrement). Mais progressivement Cocteau savança vers une
solution moins compromettante : " Peu à peu, cest devenu un mythe grec La naissance inexplicable des poèmes remplacerait celle de lEnfant divin ". Dans Orphée (1926), laboutissement de ce processus, Cocteau se concentra pleinement sur lambivalence des sentiments pour le père, qui y est étrangement incarné par Eurydice. Cocteau cherchait sans cesse la communication avec la figure paternelle, et la considérait comme la source même de son inspiration. Pour Cocteau cela a toujours été fondamental : à plusieurs reprises, il confia à des amis que pour lui, le poème navait pas son origine dans linspiration, mais dans lexpiration. Cest grâce à cette expiration " quil expulse hors de lui ses propres ténèbres, sa nuit du corps humain." Le père représente donc la nécessaire communication avec lAu-delà. Dans la pièce, Orphée alias Cocteau se voit posé par lAnge la question suivante : "Désirez-vous rejoindre Eurydice ou la mort ?" et il répond : " les deux". Cest ainsi que lAnge en question, qui joue un rôle éminent dans le mythe orphique de Cocteau, surtout dans Le Testament dOrphée, incarne lambiguïté, simultanément la vie et la mort.
En tant que partie de la nuit physique et psychique du corps humain, dont il est aussi la partie immortelle, et comme médiateur avec lAu-delà, lAnge détient dans le mythe orphique de Cocteau une place presque aussi importante quOrphée même.
Il est évident que le héros et les autres personnages du mythe orphique de Cocteau sont des caractères plus riches et compliqués que leurs modèles de lAntiquité. Tandis que lOrphée classique poursuivait simplement le but de regagner Eurydice, lattitude dOrphée/ Jean envers Eurydice /Radiguet (la figure paternelle) est, en raison de la répartition et de la personnalisation complexes des rôles, beaucoup plus ambiguë. Par conséquent, la seconde mort dEurydice, causée par Orphée, prend chez Cocteau une signification nouvelle. Les bacchantes et leur chef Aglaoni, celles qui entraîneront finalement Orphée dans la mort, incarnent André Breton et les surréalistes que Radiguet avait quittés pour rejoindre Cocteau ; dans la pièce, il subit donc à travers son Orphée le châtiment pour cette " Trahison ". Néchappant pas à la vengeance, lOrphée de Cocteau remporte néanmoins, comme celui de la légende antique, dont la tête et la lyre furent jetées sur le rivage de Lesbos qui devint ainsi le lieu privilégié des muses, une victoire amère, mais finale. Dans le tableau Tête dOrphée mort, surgit de la tête décollée du héros, la lyre symbolisant le génie poétique et les cheveux prennent la forme des lauriers du poète.
On pourrait citer nombre dexemples supplémentaires pour démontrer le recours de Cocteau à la mythologie ancienne (cf. La naissance de Pégase, rideau pour le ballet Phèdre). Mais dans la grande majorité des cas, il sagit seulement de variations des deux thèmes prédominants, qui seuls étaient capables de capter toute lattention de lhomme et de lartiste.
Même dans sa chapelle funéraire décorée par lui-même nous trouvons des représentations du mythe orphique.
Quels sont les éléments qui rendent cette uvre tellement personnalisée de Jean Cocteau aussi attirante, même pour nous qui sommes relativement étrangers à ses démarches intellectuelles. Il faut probablement chercher la réponse dans lhabileté avec laquelle Cocteau a su marier la sagesse intrinsèque des traditions antiques avec nos sensibilités européennes modernes On ne saurait non plus négliger leffet produit par la pureté esthétique émanant de son uvre. Cette uvre nous apparaît tomme une apologie de la simplicité et de la noblesse de lart antique, surtout dans ses dessins et ses fresques, où Cocteau cherchait toujours à atteindre le maximum dintensité avec un minimum de traits. Jean Cocteau était convaincu du pouvoir du destin implacable comme lavaient déjà exprimé les Anciens dans leur mythologie. Il était de même persuadé que lêtre humain devait faire face à ce destin en utilisant lensemble de ses capacités intellectuelles et autres. Le mythe se forme à une vitesse extraordinaire. On pourrait dire qu il se forme instantanément et se superpose au fait. Le récit du moindre de nos actes, le lendemain. que dis-je, le soir même, à travers les loupes déformantes de leau du temps, nous apporte la preuve de cet étrange travail de songes et de mensonges.
Jean Cocteau
G. Charensol in Comment ils écrivent (Montaigne)
Suivre Jean Cocteau dans les subtils méandres où il vous entraîne est chose aisée ; ce qui lest moins cest de traduire ensuite ses propos: " Léloquence, aime-t-il à dire, a une sorte de ressemblance avec ces virtuoses qui se mettent surtout en valeur dans la mauvaise musique. Aussitôt quon parle des choses qui vous importent le plus, on perd toute habileté, toute éloquence ; on a autant de mal à sexprimer que si on ne savait pas ce quon veut dire. "
Ce que jai retenu surtout de ce long entretien, ce sont quelques formules chargées de substance :
" Un poète ne peut que contrôler la descente de lectoplasme, lempêcher de prendre une forme vague. Il doit apprendre à dormir dun il. Cest la seule méthode.
" Un poète est un médium ; sil veut faire le malin, sil veut se mêler de son uvre entre deux sommeils, il abîme cette uvre.
" Ses poèmes se détachent de lui comme les pendus dun arbre "
" Ecrire est une forme désespérée de linstinct de conservation. Pour être exact : ne pas résister à ce sommeil, accepter dêtre le véhicule dune force, publier, corriger des épreuves, etc. Luvre déteste le poète. Elle le mange, le ravage et il ny a jamais place pour lun et lautre sur la terre. Une uvre profite dun poète pour vivre, et se moque de lui. Après sa mort, le poète se met à vivre, grâce à luvre dont il profite à son tour. Un poète ne travaille pas à son uvre ; il est travaillé par elle.
" Luvre critique (lucide) dun poète est encore un véhicule de cette force mystérieuse. La preuve cest que Baudelaire nous fascine même sil vante M. X , peintre
Cocteau vingt ans après
Claude-Michel Cluny in La rage de lire (Denoël)
En 1950, la revue Empreintes avait publié un numéro dhommage à Jean Cocteau, qui sefforçait de définir sa situation critique, et de rendre compte de létonnante diversité dun génie créateur qui paraissait à la fois inépuisable et prodigieusement libre : quel domaine lui échappait ? Aucun poète avant lui navait été romancier, essayiste, dessinateur, dramaturge, cinéaste, reporter, manager, metteur en scène Le génie était justement ce que lui déniaient ses détracteurs, puisque cela seul expliquait Cocteau. On aime, en France, les talents bien rangé-et de préférence sous une bannière rassurante. On a toujours en réserve un Lamartine contre un Hugo, un Coppée contre un Rimbaud. On pardonnait mal à lauteur des Enfants terribles dêtre présent partout, de donner la fièvre au théâtre comme au ballet, au roman comme au cinéma. Pourtant, avec le recul, cette manière dêtre en avance quon lui reprochait tenait surtout à ce que la médiocrité sempêtre dans les modes, et sétouffe sous les défroques, que ce soit celles de lavant-garde ou celles du classicisme académique. Luvre, qui na pas fait lobjet dune réévaluation critique sérieuse, paraît traverser sans saffaiblir le purgatoire habituel. On regrette que les séquelles dune ancienne hostilité, qui devait la plus belle part de son âcreté à Gide, se soient apparemment muées en indifférence. A reprendre assez fréquemment les livres de Cocteau, on leur découvre une résistance à lusure du temps qui nous les rend maintenant plus proches et plus vrais : le brillant de la légende ne leur ajoute plus le faux éclat dispensé par Paris, et qui était avivé par un homme aussi habile à se faire valoir que profondément inquiet quant à la situation (en donnant à ce terme la force que lui confère Sartre) de son uvre.
La première orientation quelle marqua fut aussi fausse que possible. Il commençait par les erreurs des autres. Y renoncer était se retrouver, et il ne cessera plus dêtre au plus près de soi, donc de sa vérité, inconfortable, agressive, acharnée à se faire entendre. Sous chacun des masques de son théâtre, entendons par là toute son uvre, sa voix profonde était reconnaissable, mais plus que les figures de la fiction cétait le personnage de Cocteau qui empêchait Cocteau dêtre reconnu ce qui nétait vrai ni pour ceux qui ne le connaissaient pas, ni pour ceux qui le connaissaient bien. Quand parut, à la fin de lété 1950, ce numéro de la revue Empreintes, nous ne possédions pour situer Cocteau que le petit livre de Roger Lannes publié quelques années plus tôt. Mais nous allions voir à la Cinémathèque, avenue de Messine, Le Sang dun poète ; nous emportions au collège Opéra et Le Grand Ecart : les uvres nous paraissaient chargées de plus de lumineux mystères que toute la légende mondaine. Rien pour nous ne ressemblait à Cocteau que Cocteau. Une seule âme présidait à ces uvres ; elle leur insufflait un ton, grave sous les jeux ; dessin, film ou roman, nous reconnaissions Cocteau à son écriture, ce qui est devenu vrai deux fois.
La mort porte aux uvres un véritable coup de poignard dans le dos : celle de Gide est devenue plutôt floche et celle de Camus avoue souvent quelle est creuse. Mais des titres supportent le choc. Lécrivain et sa légende reculant dans la nuit, cest peut-être pour luvre le coup de la grâce, ce tardif privilège dêtre enfin reçue pour elle-même. Empreintes restait bien sûr un bilan marqué du sceau de lamitié. Comme le sont les ouvrages sur Cocteau de Fraigneau, de Lannes ou de Kihm ou de Claude Mauriac, ou de MiIorad. Il surveillait avec une attention souvent mal venue les travaux que daucuns lui consacraient. Ni Fraigneau, ni Milorad, ni Kihm néchappèrent à ses reproches, et cependant ils demeuraient tous, avant tout, de sincères admirateurs. Dès lors quon essaie, aujourdhui, de prendre ses distances, on saperçoit que tous les repères chavirent : le chef-duvre, ce nest pas Le Bal du comte dorgel dont la crispation a rouillé comme les ressorts dune pendule à automates ; ce nest pas Amphitryon 38, dont le langage et laction ont des drapés de vitrine de grand magasin ; ce nest pas La Beauté du Diable, ce marbre en plâtre sous-goethéen.. La prodigieuse multiplicité des dons aidait à une mauvaise réputation de facilité et dartifices. Parce quil trouvait, on penchait à croire quil ne travaillait pas. Ses livres ont la même santé quil avait, et quil définissait en un mot serré comme un de ses sourires maigres et charmeurs : " une santé de fil de fer ". A relire ses livres, on reconnaît maintenant léconomie de ces réussites, la solidité de ces enchantements. Il ne jouait pas au plus fin avec les mots : il leur faisait confiance. Parce quécrire, enfin, quand il sagit de Cocteau et une fois pour toutes, écrire selon toutes les acceptions, cest se battre avec des mots ; sont-ils trop dociles, ils trahissent. Il le savait. Cest un don très rare. Il faut des règles à ces combats où lêtre sengage tout entier.
Engagement que le faux jour de la célébrité ne rendait pas évident pour peu quon le lise trop vite, en surface sans passer de lautre côté de ses miroirs pour y découvrir comment et pourquoi une uvre réfléchit le monde Et ce monde en clair-obscur que Cocteau traverse, sil na pas les dimensions romanesques de celui de Giono, si sa dramaturgie na pas la baroque grandeur de celle de Claudel, il nest pas plus aisément réductible à quelques données simples. On saperçoit aujourdhui que sans Thomas limposteur et Les Enfants terribles le roman français serait mutilé. Ecrire que ces livres sont de remarquables réussites formelles nest quun constat de métier : le génie de Cocteau est dans la révélation dune sensibilité du roman à la poésie (en opposition au roman poétique). Il se forgea une écriture capable daccrocher vives les images au fil tendu du récit, coupant sec dès que le rythme le réclame, maître et serviteur dun art auquel il ne rend jamais les armes sans lucidité : " Lidée naît de la phrase comme le rêve dévie selon les poses dun dormeur qui se retourne " (Le Potomak). Ce que Picasso disait du métier, on peut le dire du rêve : cest ce qui ne sapprend pas. On sait que la France de 1914 rêvait bleu horizon, ce qui, pour nous, est aussi étrange que les politesses de la bataille de Fontenoy. Thomas, cest lanti-héros (il est la guerre rêvée), qui pourrait tendre une main au Centaure de Guérin et lautre à Fantomas !
A remonter le courant de la tradition, Cocteau presque infaillible réussit là où presque tous échouent : Orphée sans lui nappartiendrait pas à la littérature française, dipe non plus. Sans doute parce que lun et lautre sont les instruments dune révélation, les porte-parole dun autre pouvoir que celui, si rationaliste, à quoi nos lettres demeurèrent si longtemps soumises, au lieu de rêver. Les Enfants terribles, cest un cauchemar qui nous fait rêver, comme nous entraînent vers lintemporel ailleurs du songe le merveilleux de La Belle et la Bête et celui des Chevaliers de la Table ronde. La clé de luvre on la trouve tout bonnement accrochée en regard des pages de titre de ses livres : poésie de théâtre, poésie de roman, poésie critique Quand on essaie de situer Cocteau romancier, il faut prendre garde à ne pas oublier quil est poète, et que le roman français est pauvre en poésie. La place quil occupe est rare.
Lart de Cocteau est un art rapide ; le surcroît de tension qui règne dans ses romans tient à ces raccourcis qui provoquent limage et précipitent le récit. Il ne triche pas avec les mécanismes, il les rend visibles. Dans une uvre constamment irriguée par le sommeil - ny a-t-il pas une étude à faire sur le rôle et les aspects du sommeil dans les livres dun homme qui, semble-t-il, dormait si peu ?-, on ne trouvera guère dabandon à lécriture automatique des surréalistes. Seulement, cette part du songe, ce domaine maudit doù nous revient dipe avec tout lattirail des dieux dont Freud a dressé le catalogue, Cocteau la sans coup férir annexée à la poésie, que ce soit dans Les Enfants terribles, les films ou les poèmes. Ce monde quon a dit faux et fabriqué était vrai, mais son naturel était ignoré. Ou, si lon veut, le rêve nous révélait une réalité différente et comme la face inconnue du tragique. Thomas est pur dans son mensonge comme Galaad est vrai dans sa pureté et dipe pur dans le mensonge de sa vérité. Au niveau vulgaire, le drame des Parents terribles, cest que le mensonge est toujours vrai. Et la vie irrespirable : ce qui nest exceptionnel que parce que cest écrit ; comme lhistoire ddipe
Son théâtre ne cesse de surprendre. Jamais il ne se répète, ne tire jusquà les casser sur les ficelles : la rapidité, la justesse des gestes étrangle les personnages avant quon ait le loisir de se reprendre. Le théâtre de Cocteau fascine, grande et belle machine infernale. Il lui arrive de rater son coup : La Machine à écrire, voire limpossible gageure de Renaud et Armide (mais au moins relit-on cette dernière pièce pour le plaisir du vertige verbal). Le théâtre est dans ses romans, ses dessins, ses poèmes. Ce que nous permet le recul, si court soit-il encore, cest de voir que tout est dans tout dans son uvre, et que le temps la resserre, la rassemble au lieu de léparpiller selon le van des augures. Maintenant quil a quitté la scène, luvre prend sa place en littérature La mort aussi est un rappel à lordre, mais cest à nous quil sadresse. On a le droit de détester cet univers, nocturne et crispé, mais on ne saurait dénier à Cocteau le don de tirer vite et juste, selon ce mot qui était une admirable leçon décriture, et de tenir en laisse sa fièvre même, dOpium au Requiem.
On ne saperçoit pas encore que son uvre est irremplaçable, car tout sur le moment est confusion, on ne sait pas encore combien elle est déjà classique et pour sa plus grande part sauvée du vieillissement.
On laccusait de prendre partout le bien des autres : il donnait une forme inimitable à ce qui était dans lair, comme on dit, et quon ne savait pas saisir. Il est curieux de voir comme son uvre sest débarrassée des modes et des artifices, sans doute parce quelle échappe presque toujours à lévénement (si on met à part les livres de souvenirs, la Lettre aux Américains, les quelques textes de mise au point, avec Maritain, etc.), et quil ny a pas un seul ouvrage essentiel quon ne sente inspiré. Ce qui suffirait à le faire condamner par certains. Les mauvais poètes sont toujours inspirés, écrivait Léon-Paul Fargue ; et dajouter plus bas : " Lart est une question de virgules. " Or, Cocteau a fixé le fleuve du songe avec ces clous dor, cest son classicisme. La poésie - cette voix qui parlait par sa bouche, a sauvé Cocteau de ses dons, les meilleurs et les pires, et je serais assez porté à croire que ce sont les mêmes. Il eût pu saccommoder de nêtre quAchard ou Clair ou Rostand. La poésie mettait à vif la difficulté dêtre soi. Un poète est toujours, aussi, un moraliste.
Si le métier ne sapprend pas, il incite lécriture à une souveraine sévérité. Et ce qui avait trop de charme a déjà passé ; tout le reste est après : les romans, les essais (La Difficulté dêtre et Journal dun inconnu), les films et une grande partie de luvre dramatique, et cette poésie (Le Cap, Le Requiem) si riche, si diverse, si neuve
Notes :
Le premier essai paru dans " La Bibliothèque idéale " (Gallimard) ; il ne sagit pas de la bonne biographie de la collection " Vies perpendiculaires " - quel titre ! -, par les éditions de la Table ronde. Aujourdhui, la légende se renverse, et George D. Painter dont on nest pas prêt doublier lépais fatras biographique consacré à Proust, peut écrire : " Le Cocteau de Francis Steegmuller est lune des biographies les plus captivantes, les plus pénétrantes, les mieux écrites, en un mot les plus parfaites que jaie jamais lues. Tout Cocteau, personnalité fascinante et écrivain de génie, est là, totalement révélé parce que profondément compris ".
Francis Steegmuller a beaucoup lu, beaucoup vu, écouté avec insistance ; il a rassemblé tous les témoignages qui lui paraissaient importants, relevé les mots griffonnés, les brouilles, les dates sur les agendas, avec un appétit de connaissance qui, sil semble insatiable pour tout ce qui precède la fin de la dernière guerre, abandonne vite la partie pour le reste. On comprend, à lire Steegmuller, que des réticences de plus en plus marquées aient ralenti son zèle. Il avait cependant bien mérité léloge de son confrère. Cest à peine, quand on referme ce fort volume, sil est loisible de se souvenir quune uvre existe, hors de portée de ce naufrage de linges sales et dexécutions méprisantes
(F. Steegmuller, Cocteau, éd. Buchet-Chastel, 1973.)
2. Jacques Brosse a consacré aux sources de luvre une étude tout entière fondée sur la psychanalyse. Jean Cocteau, collection " Pour une bibliothèque idéale ", Gallimard, 1970.)
Bibliographie
Le Potomak. Stock, 1919.
Le Grand Écart. Stock, 1923.
Thomas limposteur. Gallimard,
1923. Le Livre blanc. 1928. Réédition : Laville,
1970, et Persona,
1981. Les Enfants terribles. Grasset, 1929.
La Fin du Potomak. Gallimard, 1940.
Le Cap de Bonne-Espérance suivi du Discours du grand sommeil. Gallimard
Poésie
Poèmes 1916-1955 (contient notamment : " Prière mutilée " " Plainchant " " LAnge Heurtebise " " Léone ", " La Crucifixion " " Un Ami dort ", " Le Chiffre Sept ". Gallimard.
Appogiatures. Editions du Rocher.
Clair-obscur. Editions du Rocher.
Paraprosodies. Editions du Rocher.
Requiem. Gallimard.
Cérémonial espagnol du Phénix suivi de La Partie déchecs Gallimard.
Sous le titre de " poésie graphique " Cocteau avait réuni les titres suivants : Dessins. Stock, 1923. Le Mystère de Jean loiseleur. Champion, 1925. Maison de santé. Briant-Robert, 1926. 25 dessins dun dormeur. Mermod, 1929. Soixante dessins pour " Les Enfants terribles ". Grasset, 1935. Dessins en marge des " Chevaliers de la table Ronde ". Gallimard, 1941. Drôle de Ménage. 1948. Réédition : Editions du Rocher. La chapelle Saint-Pierre, Villefranche-sur-Mer. Editions du Rocher, 1957. La Salle des mariages, Hôtel-de-ville de Menton. Editions du Rocher. 1958. La chapelle Saint-Pierre. Mourlot.
Saint-Blaise-des-Simples. Editions du Rocher, 1959.
Cocteau a également illustré bon nombre de ses uvres (ou leurs rééditions) : Le Potomak, Le Grand Ecart, Opium chez Stock.
Le Secret professionnel aux Editions Au Sans Pareil.
Thomas limposteur, Renaud et Armide, Léone chez Gallimard.
Le Livre blanc aux Editions du Signe et chez Morihien.
La Machine infernale, Portraits-Souvenir, La Corrida du 1er mai, Théâtre I-II chez Grasset.
Orphée chez Rombaldi.
Portrait de Mounet-Sully chez Bernouard.
Deux travestis chez Fournier.
Les Enfants terribles aux Editions du Frêne.
Anthologie poétique au Club français du livre.
La Nappe du Catalan chez Féquet et Baudier.
Opéra chez Arcanes.
Démarche dun poète chez Brucmann. Carte blanche chez Mermod.
Le Grand Écart - La Voix humaine au Club des éditeurs.
Le Sang dun poète, Nouveau théâtre de poche aux Editions du Rocher.
Le Cordon ombilical chez Plon.
Autres livres illustrés :
Querelle de Brest de Jean Genet. Morihien.
La Course des rois de Thierry Maulnier. Valmont.
Le Bal du comte dOrgel de Raymond Radiguet. Editions du Rocher.
Sous le manteau de feu de Geneviève Laporte- Forêt.
Douze poèmes de Paul Valéry. Les Bibliophiles du Palais.
Jean Cocteau tourne son dernier film de Roger Pillaudin. La Table ronde.
Montagnes marines dAndré Verdot. Gastaud.
Taureaux de Jean-Marie Magnan. Trinckvel.
Théatre, I-II (contient : Antigone, Les Mariés de la Tour Eiffel, Les Chevaliers de la Table Ronde, Les Parents terribles et Les Monstres sacrés, La Machine à écrire, Renaud et Armide, L Aigle à deux têtes). Gallimard.
Orphée. Stock.
dipe roi et Roméo et Juliette. Plon. La Voix humaine. Stock.
La Machine infernale. Grasset.
Théâtre de poche. Réédition : Editions du Rocher.
Nouveau théâtre de poche. Editions du Rocher.
Bacchus. Gallimard.
Limpromptu du Palais-Royal. Gallimard.
Filmographie :
Films tournés par Cocteau (commercialisés et publiés) :
Le Sang dun poète et Le Testament dOrphée. Editions du Rocher.
LÉternel retour (avec Jean Delannoy). LAvant-scène Cinéma.
La Belle et la Bête. New York University Press.
Ruy Blas (avec Pierre Billon). Morihien. LAigle a deux têtes. Paris-théâtre.
Les Parents terribles. Le Monde illustré théatral et littéraire.
Orphée. Bonne.
Les Enfants terribles (avec Jean-Pierre Melville).
Le Testament dOrphée. Editions du Rocher.
Discographie :
Parade, ballet (Éric Satie). Columbia. Huit poèmes (Georges Auric).
Chansons basques (Louis Durey).
Le Printemps au fond de la mer (Louis Durey). Columbia.
Cocardes (Francis Poulenc).
Le Buf sur le toit (Darius Milhaud). Capitol.
Trois poèmes (Darius Milhaud). Vega. Deux poèmes (Jean Wiener).
Les Mariés de la Tour Eiffel (Groupe des Six). Pathé-Marconi.
Six poésies (Arthur Honegger). Le Chant du monde.
Le Train bleu, ballet (Darius Milhaud). Pathé-Marconi.
Six poèmes (Maxime Jacob).
dipus Rex (Igor Stravinsky). Philips. Le pauvre matelot (Darius Milhaud). Vega.
Antigone (Arthur Honegger). Cantate (Igor Markevitch).
Chansons de marins (Henri Sauguet).
Les tambours qui parlent (Florent Schmitt).
Le jeune Homme et la Mort, ballet (Jean-Sébastien Bach, Ottorino Respighi).
Phèdre, ballet (Georges Auric). Columbia. La Dame à la licorne, ballet (Jacques Chailley).
La Voix humaine (Francis Poulenc). Pathé-Marconi.
Le Poète et sa muse, ballet (Gian-Carlo Menotti).
La Dame de Monte-Carlo (Francis Poulenc).
Patmos (Yves Claoué).
dipe roi (Maurice Thiriet).
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